Ce que Yasmina révèle de Nicolas
J’ai profité de la nuit pour achever la lecture du livre de Yasmina Reza.
Cette dernière a suivi pendant plus d’un an la campagne de Nicolas Sarkozy. Elle en a tiré un livre « L’aube le soir ou la nuit », chronique d’une femme de lettres fascinée par un homme à la conquête du pouvoir.
La tragédienne aime les « fauves » : « ils jouent gros. C’est ce qui me touche. Ils jouent gros. Ils sont à la fois le joueur et la mise. Ils ont mis eux-mêmes sur le tapis. Ils ne jouent pas leur existence, mais, plus grave, l’idée qu’ils s’en sont faite ».
Ce journal, sans dates, se lit comme un portrait continu où les jours « s’égrènent et se confondent ». Le lecteur s’attend à ce qu’il soit flatteur. Il peut l’être. Mais, il n’est pas un récit publicitaire. Elle échappe aux craintes que lui avait formulées Alain Minc : «Vous avez le choix entre être amoureuse ou être ambitieuse». Le livre donne à voir un Nicolas Sarkozy soupçonné mais, jamais découvert.
Finalement, Yasmina Reza aime Nicolas Sarkozy, mais ce sont presque ses raisons de l’aimer qui le rendent détestable au lecteur… Elle aime le héros de tragédie qui « veut concurrencer la fuite du temps ». Elle nous fait entrer dans l’intimité d’un agité qui «picore sans cesse» et «engouffre à toute allure» et que l’immobilité effraie : «j’adore faire quelque chose. L’immobilité c’est la mort».
Elle nous parle de ce « désir de ne rien rater de la vie » pour souligner elle-même que c’est peut-être « une inclinaison qui peut conduire à l’exact contraire ».
Elle se dit touchée par son extraordinaire volonté « il fait tout ce qu’il peut. A fond. Il ne croit pas que le ciel l’aidera. » Pendant 186 pages, elle observe ainsi une bête politique, sans réelles convictions. Mauvaise foi et ambition assumées. Le seul moteur de l’action de Nicolas Sarkozy, c’est Nicolas Sarkozy. Et sa foutue volonté d’être enfin le premier : « ma vie et l’histoire de ma vie, c’est de partir de tout en bas pour aller tout en haut. Il ne me reste qu’une marche… »
Rien n’apaise sa vanité. Yasmina Reza relève cette « obsession de soi et l’inévitable oubli des autres ». en déplacement l’auteur note ainsi « il me saute aux yeux qu’il ne s’adresse qu’à lui-même. Les lieux, les gens, les circonstances, peu importe, il tisse sa propre étoffe, sa trame de fer, ses revers, ses coutures étranglées. Sa grande armure de comédie ».
Sa seule unité de mesure c’est l’audience. Quand il rencontre un comédien (Lucchini),ou un écrivain (Levy), un on s’attend à ce qu’il s’intéresse à l’œuvre, il n’a de regard que sur ses recettes : « moi, je regrette, un type qui vend à des millions d’exemplaires ça m’intéresse ».
Les critères de réussite sont chez Nicolas Sarkozy le succès et l’argent. D’où sa fascination pour le Show bizz. « il étreint Christian Clavier. Ils s’étreignent à la manière des acteurs. Fous de joie de s’aimer, de se désigner toi mon copain à la face du monde. C’est une étreinte que j’ai vue mille fois (…) des acteurs qui ont à cœur de s’étreindre publiquement, ivres de leur prestation, de cette surhumaine chaleur et ce rire démonstratif». Quand Sarko fait meeting à Bercy, il s’« ébahit de joie » en regardant les célébrités qui apparaissent à l’écran. Johnny Halliday arrive, « il dit, t’as piqué ma loge ! » Sarkozy « frétille. Il est vraiment le garçon qui a piqué la loge de Johnny et qui n’en revient pas ».
Ce qui le distingue de Georges Bush ? «il a été élu deux fois président des Etats-Unis» réplique Nicolas Sarkozy.
Son appétence pour les signes extérieurs de pouvoir confine au mauvais goût « je vais me retrouver avec un palais à Paris, un château à Rambouillet, un fort à Brégançon. C’est la vie » n’hésite pas à dire l’amateur de Rolex (qui nettoie la sienne avec son mouchoir).
Pour Yasmina Reza, la victoire du 6 mai ouvre une nouvelle période, celle du doute «est-ce que je ne me suis pas trompé sur l’homme ? Est-ce bien lui»? «n’avait-il pas dit, je partirai en retraite quelques jours, me reposer, méditer. Il faut du calme et de la sérénité pour prendre la distance nécessaire. Si proche des moines et des cathédrales, ne s’était-il pas enorgueilli de quelque subite transfiguration ? N’avait-il pas dit, j’irai dans une abbaye, ou dans la solitude d’une maison amie, réfléchir à l’ampleur de la tâche ? C’est dévorant des langoustes en famille sur un yacht de soixante mètres, au large de Malte, qu’on le trouvera ».
De sa première intervention à l’Elysée, elle dit : « une calcification du discours dont je crains qu’elle ne corresponde, ce jour (…) à une calcification de l’être (…) C’est un autre que je vois de profil interpréter sa solennelle corvée »…
Quand le Président lui propose de rester « autant que tu veux », l’auteur répond «non». Sage réponse de celle qui, après avoir connu l’aube et le soir, s’enfuit avant la nuit.