Tout dépend de ce que l’on entend par « modernisation de l’économie »
Moderniser : 1. Rendre moderne. 2. Organiser d’une manière conforme aux besoins, aux moyens modernes (Petit Robert).
Cette semaine commence à l’assemblée une loi qui fait notamment suite au rapport Attali. Qui peut s’opposer à une loi qui prétend « moderniser l’économie » ? Malheur aux conservateurs et aux archaïques ! Encore faut-il s’entendre sur la définition de cette modernisation. Nous prétendons également vivre avec notre temps, mais nous ne partageons pas la même appréciation sur les remèdes à apporter aux maux actuels.
La droite présente des propositions destinées à « stimuler la croissance et les énergies ». Elle présente l’encouragement à la création d’entreprises, ou la relance de la concurrence comme les solutions. Jusque-là tout va bien. Mais les moyens qu’elle suggère de mettre en œuvre pour satisfaire ces objectifs doivent nous inquiéter.
C’est moins à la création d’entreprises que nous risquons d’assister qu’à l’externalisation de salariés, transformés en « auto-entrepreneurs ». Derrière l’idée séduisante selon laquelle chacun pourrait devenir son propre patron se profile la multiplication de la précarité. Cette incitation sera d’autant plus forte que les coûts pour l’entreprise seront plus faibles car les cotisations sociales seront réduites et le rapport de force entre donneur d’ordre et « l’auto-entrepreneur » totalement déséquilibré.
C’est moins à l’organisation de la concurrence qu’invite le projet de loi qu’à la mise en coupe réglée du territoire par les grands distributeurs. Plutôt que la règle mécanique des 1000 m2 pour l’autorisation d’installer des grandes surfaces, la proposition des socialistes est autrement plus judicieuse. C’est aux élus qu’il doit revenir le choix de l’implantation des surfaces commerciales car c’est à eux de mesurer l’impact sur les détaillants de centre-bourgs, l’emploi ou l’équilibre d’un territoire.
Ce n’est pas à « l’amélioration du financement de l’économie » que s’attelle le gouvernement quand il banalise la distribution du livret A. La conséquence est connue, le livret A servira de produit d’appel aux banques qui, dans un second temps, conduiront leurs clients vers d’autres produits d’épargne, détournant ainsi des fonds qui servent aujourd’hui au financement du logement social.
Enfin comment ne pas s’étonner que la « modernisation de l’économie » fasse l’impasse sur les conditions de travail des salariés Comment comprendre que les consommateurs soient tenus en lisière du projet et que le principe de l’action de groupe, qui permet les recours collectifs, soit encore renvoyé à d’autres lendemains ?
Le groupe socialiste a élaboré une série de 10 propositions fortes de nature à instaurer les conditions d’une concurrence loyale, sociale et régulée et doter le pays des outils nécessaires à la conduite d’une vraie politique économique et industrielle.
1) Donner des vrais droits aux consommateurs : création d’une véritable action de groupe permettant une juste indemnisation des préjudices subis
2) Créer les outils d’une régulation sincère de la concurrence : l’Autorité de la concurrence doit pouvoir casser les situations de domination territoriale des centrales d’achat (obligation légale de vente de leurs enseignes dès lors que celles-ci représentent plus de 25% d’une zone de chalandise)
3) Assurer l’équilibre dans les relations commerciales fournisseurs-distributeurs : transparence complète des conditions générales de vente, contreparties à la négociabilité des prix, encadrement du référencement…
4) Préserver l’objectif de diversité et de proximité commerciale : nouvelle impulsion du commerce de proximité, maîtrise de l’urbanisme commercial par les élus locaux (maintien du seuil d’autorisation des implantations commerciales par les CDEC sauf compétence d’un schéma de cohérence territoriale (SCOT), autoriser les associations de commerçants de proximité à mutualiser leurs actions (emploi partagé, stockage, groupement d’achat, promotion commerciale…)
5) Soutenir la création et le développement des PMI-PME : extension du « small business act » à toutes les PME (et non seulement aux PME innovantes), orienter le soutien vers le développement des PME plutôt que sur la seule création (soutien à l’export, accès au crédit et au capital risque…)
6) Soutenir une vraie politique industrielle par la création d’un fonds souverain (CDC), et l’extension des tarifs régulés de l’électricité
7) Créer un droit à l’assurance pour les créateurs d’entreprise confrontés au refus de vente
8) Assurer l’égalité d’accès territorial au très haut débit : réserver une partie du dividende numérique pour les communications à très haut débit dans les zones rurales et lutter contre les zones blanches par la prise en compte d’un critère d’aménagement du territoire pour l’attribution de nouvelles fréquences
9) Garantir le financement du logement social par les fonds collectés du Livret A
10) Défendre l’accessibilité bancaire : créer un droit au compte et un service universel bancaire, faciliter la mobilité bancaire, lutter contre l’endettement (création d’un fichier positif, dispositif de protection du conjoint…)
Qui a dit que l’opposition n’avait rien à proposer?