Quo vadis, Israël ?
Depuis onze jours je prête une oreille plus attentive à ma radio dès qu’un nouveau flash info délivre les dernières nouvelles de la guerre de gaza.
Israël c’est, pour nombre d’entre nous, plus qu’un pays. Ces jours derniers, au hasard de mes lectures, j’ai découvert une intervention datant de 1967 de l’immense conscience que fût Primo LEVI qui définit l’Etat hébreu comme « la synthèse et le symbole de l’histoire de l’Humanité » (1). Par ces mots, l’auteur universel de « si c’est un homme » voulait dire que la création de l’Etat d’Israël, puis son existence étaient plus qu’une dette que le monde aurait contracté à l’égard des rescapés des pogroms, des ghettos ou de la Shoah. Il voulait lire dans sa brève histoire « les vertus de la vocation de l’espèce humaine : le dépassement de la dispersion, de la discorde, des différences de langue, d’origine, de race, et leur fusion d’abord exténuante puis aisée, dans une cohabitation civile« .
C’est cette promesse là que ruinent aujourd’hui les promoteurs de l’escalade armée. Ils plongent les israéliens dans une impasse stratégique. Ces dernières années, les opérations militaires ont toujours renforcé le Hamas et affaibli l’autorité palestinienne. Son président Mahmoud Abbas perd en ces heures cruelles le peu de crédibilité qu’il lui restait. Les plus radicaux emportent d’autant plus facilement l’adhésion qu’ils partagent le quotidien d’une population palestinienne exsangue. La catastrophe humanitaire constatée par le coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU n’est pas un ferment de paix, mais le terreau fertile d’où naitront de nouveaux candidats à la lutte terroriste.
Tzipi Livni, ministre israélienne des affaires étrangères disait hier « nous combattons la terreur, nous ne cherchons pas un accord avec la terreur« . Le Hamas n’est pas un partenaire présentable. C’est un mouvement qui nie l’existence d’Israël. Tout cela est exact. Mais sans vouloir donner de leçons : avec qui faire la paix, si ce n’est justement avec ceux qui vous font la guerre? Longtemps Arafat fût le diable, puis vint le jour où les dirigeants israéliens acceptèrent de déjeuner avec lui, fût-ce avec une longue cuiller.
Inquiet des menaces que faisaient peser sur lui les voisins d’Israël, Primo LEVI poursuivait son discours ainsi « nous ne voulons pas que ce coin de terre sorti du néant soit détruit (…/…) s’il l’était, une portion d’humanité beaucoup plus importante que les simples chiffres ne le laissent entendre mourrait avec lui« . Il concluait par cette belle phrase : « la terre d’Israël est une idée, et les idées sont précieuses et rares : elles ne doivent pas, elles ne peuvent pas être supprimées« .
C’est cette idée qui est aujourd’hui menacée par le dogmatisme ou le cynisme de tous les pousse-au-crime et autres va-t-en guerre. L’intervention de Tsahal à Gaza est évidemment populaire dans la population israélienne. A quelques semaines d’une élection législative, il faudrait un homme ou une femme d’Etat, un Yitzhak RABIN pour accepter de remonter le courant d’une opinion à vif. Malheureusement, cette personnalité politique n’existe pas ou n’a pas encore émergé. Les dirigeants de Kadima se sont éloignés de l’esprit de sa fondation(2). Ariel SHARON ne s’est pas réveillé de son coma (3)…
C’est dans ce contexte d’incertitude que nous vivons maintenant. avec cette question aux lèvres « quo vadis, Israël« ? c’est-à-dire « où vas tu Israël? ». On prête à l’apôtre Pierre cette interpellation lorsqu’il le croisa le Christ au lendemain de son arrestation. Ce dernier entamait alors un long chemin de croix…
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(1) dans Primo Levi « feuillets épars » paru chez Robert Laffont.
(2) Kadima « en avant » est le parti fondé par Sharon, après que sa conversion au camp de la paix l’ait privé de l’aile droite du Likoud.
(3) Sharon est dans le coma depuis avril 2006.