Retour sur une folle nuit
Mardi 20 janvier. 21:30. La discussion démarre sur le fameux article 13 qui crée le « crédit temps » et permet que des amendements puissent être déposés sans être défendus… Jean-Marc Ayrault fait une ouverture : alors que le gouvernement aurait eu la faculté d’utiliser 8 fois le 49-3 en 2008 en application de la nouvelle constitution, il se contente de demander la possibilité pour chaque groupe de lever cette contrainte du crédit global sur 4 textes maximum par an (le gouvernement établit un parallèle entre la nécessité d’adopter un crédit global et la limitation de l’usage du 49-3 qui permet l’adoption sans vote).
Cette main tendue n’a pas été saisie. A peine cette intervention achevée, Jean-Luc Warsmannn, président de la Commission des Lois demande (en accord avec Jean-François Copé) la clôture des débats et pose une fin de non-recevoir à nos propositions. Le président de séance, Rudy Salles, fait alors voter la fin de la discussion générale sur l’article 13. Les communistes, les Verts, les Nouveau Centre n’ont même pas pu prendre la parole.
Après une suspension de séance, Jean-Marc Ayrault demande la réunion d’une conférence des présidents. Le président Accoyer la refuse sans explication.
Il revient en séance. les députés socialistes demeurent massés au pied de la tribune pour réclamer une conférence des présidents. La séance est de nouveau suspendue au bout de quelques minutes.
Avant même que la réunion de groupe socialiste ne s’achève, B. Accoyer dans une provocation supplémentaire fait appeler nos amendements et constater en notre absence qu’ils ne sont pas défendus pour les faire tomber un à un.
Alors que les députés entrent en séance, le président continue d’égrener les amendements. Les députés socialistes entonnent spontanément l’hymne national debout au pied de la tribune.Un moment d’émotion rare s’empare de l’hémicycle. Il y a des députés qui ont les larmes aux yeux. Aucun d’entre eux ne pouvait imaginer assister à une telle parodie de débat et à un pareil coup de force.
La séance s’est poursuivie et a démontré par l’absurde, à quoi pouvait ressembler une assemblée où l’opposition est muselée. Des amendements qu’on appelle mais qui ne peuvent être défendus.
Au cours de cette nuit le président de l’Assemblée nationale a eu une attitude absolument incompatible avec l’exercice de sa fonction. Il a perdu toute crédibilité et toute autorité. Alors qu’il avait évoqué lui-même la nécessité d’un accord dimanche soir à la radio, il s’est conduit comme le représentant de l’UMP. Le président de l’Assemblée aurait dû se comporter dans ce débat comme le garant du respect de l’expression des minorités. Il s’est comporté en simple exécuteur des basses œuvres du président Sarkozy et n’a pas trouvé la force de s’opposer à la pression que lui mettait Jean-François Copé.
Les images ont été si terribles pour lui qu’on imagine sans peine qu’elles ont motivé le lendemain son changement d’attitude. La discussion est à nouveau ouverte, mais les propositions sont pour le moment très floues. Le président de l’Assemblée n’ose pas proposer un véritable compromis à l’opposition. Il demeure encore l’otage de ses propres amis. Nous verrons bien.
En attendant, la majorité a pris le risque d’une crise politique majeure qui s’ajoute à une crise financière, économique et sociale. Il y a des gens qui à droite aiment jouer avec les allumettes.
Mardi, Jean-Marc Ayrault défendra au nom des socialistes, radicaux et citoyens l’adoption d’une motion de censure.