Sa vie mal dessinée
On dit que les romans – fussent-ils graphiques – servent à cacher un secret, une faute, une erreur, une faille… Le sentiment laissé à la lecture de « ma vie mal dessinée » (1) c’est au contraire que Gipi, l’auteur, n’a rien omis et a creusé dans ses douleurs les plus profondes. Son trait noir, fragile, griffe le papier. La vie réelle n’est qu’esquisses et lorsque la couleur apparaît, c’est paradoxalement pour décrire ses cauchemars : longtemps les peurs se sont superposées et imposées au réel ; elles seules étaient nettes quand la vie demeurait encore floue.
Gipi offre une autobiographie émouvante au dessin superbe. En se mettant à nu, il livre un destin, le sien, contrarié par la lâcheté, la culpabilité, la fuite, la maladie… Le sujet est grave, mais le propos reste volontairement léger. Comme dans « Notes pour une histoire de guerre » (2), Gipi aborde la question de l’adolescence. Il décrit avec justesse et humour ce territoire où alternent sensation de force, d’immortalité et découverte de la faiblesse. Avec cette nouvelle œuvre, Gipi confirme qu’il est l’un des auteurs majeurs de la bande dessinée et sans doute davantage.
_____________________________
(1) Gipi « Ma vie mal dessinée » édition Futuropolis.
(2) Prix du meilleur album au festival d’Angoulême 2006