Versailles après la com…
Soixante douze heures à peine que le congrès de Versailles a refermé ses portes dorées. Que reste-t-il après la com?
Ce que Nicolas Sarkozy voulait nous laisser de cette journée, c’était moins un discours qu’une image. Celle de son triomphe. César entrant dans Rome…
Il suffisait de regarder le dispositif vidéo mis en place par l’Elysée (c’est l’équipe présidentielle qui fournissait aux télés une image exclusive et contrôlée) : D’abord une Louma (grue de prise de vue au bout de laquelle est installée une caméra. Permet les mouvements de cinéma, travelling avant, arrière, latéral) en haut de l’escalier des 100 marches pour filmer l’arrivée de la voiture du président escortée d’un cortège de véhicules digne du président des Etats-Unis. Puis une deuxième Louma, juste devant l’entrée droite de l’hémicycle pour filmer le pas présidentiel remontant la galerie des bustes au milieu d’une haie de gardes républicains. Enfin, pendant le discours, des caméras placées en contre plongée face au pupitre (ce qui n’est pas la place habituelle des caméras lors des congrès) pour filmer le chef de l’Etat sous son meilleur angle et éviter qu’il n’apparaisse écrasé par le lieu.
Il y avait presque quelque chose de touchant dans cette lourde mise en scène. On avait le sentiment de toucher du doigt les rêves du petit Nicolas : « regarde maman, la grosse voiture, elle est à moi. Dans le château, ils sont tous venus m’écouter moi. Et la fille à la beauté de magazine dans la tribune, son mari c’est moi! »
Au delà que pourrait-on retenir d’un discours qui était en creux la négation de tous ceux prononcés lors de la campagne présidentielle?
Nous pourrions nous féliciter de l’abandon de chimères autour de la discrimination ou de la laïcité positives. Nous pourrions surtout savourer la spectaculaire conversion à la défense du modèle social français paré jusqu’ici de tous les archaïsmes et avec lequel le président voulait justement rompre? Mais la question qui nous est posée c’est celle de la part de sincérité que nous devons accorder à ces déclarations.
Si l’intention est réellement de préserver le modèle social français qui puise ses racines pour partie dans l’œuvre du Front populaire et pour une autre part dans le programme du Conseil National de la Résistance, alors la gauche devra répondre positivement.
Seulement nous avons appris à nous méfier des mots. Jacques Chirac avait déjà cette spécialité : capter les mots pour mieux les vider de leur sens. Nicolas Sarkozy maîtrise un art consommé des changements de cap. Après avoir vanté le modèle anglo-saxon, appelé à une politique de civilisation, exigé la refondation du capitalisme, le voilà qui se pose en défenseur de la dépense publique, des « amortisseurs » sociaux et de la lutte contre les exclusions. Nicolas Sarkozy confond la politique avec un concours d’éloquence : seul compte de prononcer le bon discours au bon moment.
Pouvions-nous donc croire en la sincérité de Nicolas Sarkozy lundi? C’est finalement François Fillon qui nous a livré la réponse.
Le Président, pour ne pas partager une gloire qui lui procure d’autant plus de plaisir qu’elle est solitaire, a interdit son Premier Ministre de déclaration de politique générale. Pour éviter une humiliation trop forte, François Fillon a justifié cette dérogation à la tradition républicaine par un aveu : il n’y a pas besoin de présenter un programme devant l’Assemblée nationale, ni besoin de se soumettre au vote de confiance de la majorité puisque la politique menée et les ministres pour la servir sont les mêmes… Comment mieux dire que Versailles n’était qu’une opération de communication grossière?
Le président de la République a déclaré lundi que « la crise devait nous rendre plus libres d’imaginer un autre avenir ». Craignons que derrière cette liberté et cette imagination, ne se cachent opportunisme politique et improvisation économique.