Marie-Luce, Georges, Twitter m’a tuer
Médiocre et morne campagne des régionales. Les franciliens partent en vacances et rien n’a vraiment commencé.Enfin, rien?.. Pas tout à fait. Un festival de petites phrases alimente la chronique médiatique.
- Celle de Georges Frêche (PS), qui dit qui a une « gueule catholique » et qui ne l’a pas,
- celle de Dominique Bussereau (UMP) qui croit que les élus du Modem ralliés à Ségolène Royal sont ses « harkis »,
- celle de Jean-François Douard (UMP) qui compare la direction de la région Poitou Charente au nazisme,
- celle de Philippe Lavaud (PS) qui assimile les méthodes de voyous d’« une certaine jeunesse dorée de l’UMP » à celles des « jeunesses hitlériennes.»
- Celle de Francis Delattre (UMP) qui cherche les rires de son public en s’interrogeant sur le métier d’Ali Soumaré tête de liste PS dans le Val d’Oise : «j’ai cru que c’était un joueur de l’équipe de réserve du PSG.»
- Celles de la ministre des outremers (UMP), capable de lâcher « cela me ferait mal de voir cette manne financière quitter la Guadeloupe au bénéfice de la Guyane, au bénéfice de la Réunion, au bénéfice de la Martinique.»
- Celle d’Axel Poniatowski (UMP) qui désigne Ali Soumaré comme un « repris de justice, multirécidiviste », sans préciser les faits qui pourraient lui être reprochés.
La première réaction c’est de pointer la responsabilité des journalistes, toujours plus prompts à commenter les dernières saillies verbales qu’à décortiquer les programmes et détailler les propositions. Il n’y a pas plus hypocrites que les éditorialistes qui font la morale à la classe politique, mais ne tendent stylos micros et caméras qu’aux plus caricaturaux.
Il serait pourtant trop simple de faire porter le chapeau de la généralisation des dérapages à la presse. Cela doit nous interroger.
Toutes ces « sorties de routes » ne sont pas d’égale importance. Comparer Ségolène Royal à Hitler ou les jeunes UMP aux jeunesses nazies relève plus de la sénilité et de la bêtise. L’utilisation du mot « harki » pour stigmatiser une trahison est une détestable maladresse, hélas trop courante, mais pas le signe d’un mépris ou l’indice d’un racisme du ministre Bussereau.
En revanche, il y a plus grave, ce véritable acharnement des élus UMP du Val d’Oise face à l’ancien président du Forum de la jeunesse issue des migrations. Leurs attaques successives visent à réduire Ali Soumaré aux préjugés les plus racistes. Parce qu’il est noir, il ne serait bon qu’à jouer au football et son sourire ne pourrait que cacher les gredineries d’un multirécidiviste.
Dans un autre registre, la profession de foi de Marie-Luce Penchard serait choquante et déplacée dans la bouche de n’importe quel candidat ; dans celle d’une ministre de la république, elle devient inacceptable. En cherchant les faveurs des seuls guadeloupéens, elle s’est disqualifiée pour représenter le destin des outremers.
Mais Marie-Luce Penchard n’est pas un cas isolé. Elle perpétue les recettes de sa mère, Lucette Michaux-Chevry, en appliquant les règles du clientélisme. Ce sont les mêmes reproches qui peuvent être adressés à Georges Frêche. Le vieux féodal est un démagogue et un populiste. Les accusations d’antisémitisme glissent sur lui, moins parce qu’il a le cuir épais que parce que la flèche rate sa cible. Antisémite, il ne l’est pas (1). Il est en revanche un autocrate dont l’autorité repose sur une mafia de réseaux et de clans.
La façon de Penchard ou de Frêche de « penser peuple », de « parler peuple », c’est une façon de mieux le mépriser, de mieux l’enfermer dans ses préjugés, de mieux l’endormir et le tromper en prétendant lui ressembler. Hélas Penchard ou Frêche ne sont pas les seuls spécimens de l’espèce. Ils sont juste les plus grossiers.
Ils ne tomberont vraisemblablement pas à coup de condamnations morales. La condition de leur chute, c’est l’arrivée d’un personnel politique qui accepte de rompre avec cette corruption de l’esprit public.
Mais voilà l’esprit de twitter règne dans les médias et chez de trop nombreux politiques. La pensée, au delà de 140 signes est devenue archaïque. Tout doit pouvoir se résumer d’une phase, peut-être deux. La concision a remplacé l’explication. La conviction laisse place à la communication. Les slogans ont gagné sur les idées.
Je sais que l’on m’objectera qu’il faut vivre avec son temps. Justement ! Je ne me résous pas à ce que « mon temps » soit celui du basisme, de la démagogie et du populisme.
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(1) Dans son avant-dernier livre, il écrivait même sa fierté à l’idée de penser que son patronyme était peut-être d’origine juive.