Grèce et après?
Nous vivons des heures graves. Sans doute cruciales. Pendant que la Chine célèbre sa magnificence et exhibe sa force à Shangaï, la vieille Europe peine à enrayer une nouvelle crise financière. Les grecs sont aujourd’hui dans la tourmente. Athènes a des allures de « ville ouverte », ville vaincue, exhangue implorant qu’on lui évite la ruine… La rumeur renvoie les « pigs » (Portugal, Irlande, grèce, Espagne) à leur mauvaise réputation. Les commentaires n’épargnent plus tout à fait notre pays dont la Cour des comptes a pronostiqué que sa dette voisinerait avec les 100% du PIB en 2012, de quoi alimenter toutes les spéculations…
Fait rare, les socialistes et les Verts ont joint leurs voix à l’Assemblée pour adopter la participation française au plan d’aide qu’apporte la zone euro à la Grèce. Cette quasi unanimité n’abolit pas les clivages, mais face à une situation dramatique, il était urgent de marquer cette unité des européens qui a tant manqué jusqu’ici.
Du coup, ces mesures viennent trop tard et coûtent trop cher. La faute à qui ? A Angela Merkel ? Sans doute. mais pas seulement. Comment ne pas voir et s’inquiéter de la quasi disparition du couple franco-allemand ? Les binômes De Gaulle- Adenauer, Giscard-Schmitt, Mitterrand-Kohl ont façonné l’Europe des dernières décennies. C’est sous leur impulsion que les européens ont approfondi la construction de leur destin commun. Or depuis 2007, Nicolas Sarkozy n’a eu de cesse de chercher à prendre le leadership de l’Europe seul, pour lui-même, multipliant les alliances de circonstance pour tenter de briller. Au lieu de consolider l’axe franco-allemand, notre président a laissé se creuser la distance avec la chancellière allemande ; Cela n’excuse pas le comportement égoïsto-électoraliste d’Angela Merkel à l’approche de régionales capitales pour son gouvernement (la majorité das la chambre haute est en jeu), mais la politique, la diplomatie exigent justement l’approfondissement d’alliances solides pour affronter les temps difficiles. Demander des efforts à ses partenaires est plus aisé quand les liens d’amitié sont étroits. Force est de constater que cela n’a pas été fait.
Cette absence de vision commune a un prix pour les grecs. Sous l’influence allemande, les pays de la zone euro ont choisi un taux unique de 5%. C’est-à-dire que nous allons prêter à un taux supérieur à celui auquel nous empruntons, drôle de façon d’être solidaires (1).
Ce défaut de dialogue a un prix pour tous les européens. Alors que la crise financière a constitué un avertissement sans précédent, l’Union Européenne est enlisée dans un fonctionnement anachronique. L’Europe se comporte comme un véhicule dont le tableau de bord serait doté d’un seul compteur : celui de la dette publique des états membres. Les politiques économiques au sein même de la zone euro ne sont pas coordonnées, mais la BCE fixe un taux d’intérêt unique. Entre la désinflation compétitive des allemands et l’explosion de la dette privée en Espagne, en Irlande ou au Portugal, pays dans lesquels l’inflation a poussé les particuliers et les entreprises à emprunter au vu du faible coût du crédit, l’écart s’est creusé.
Il est urgent de faire avancer le projet d’un gouvernement économique européen, de doter l’Europe d’une capacité à lever l’impôt, de contracter des emprunts, d’harmoniser les politiques fiscales. C’est la leçon de la crise. C’est le moyen de prévenir les prochaines. Mais comment avancer sans partager a minima ce projet avec nos amis allemands? Il n’y a guère que Nicolas Sarkozy pour penser le contraire, et là n’est pas sa moindre faute.
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(1) Ces 5% sont toutefois à comparer également avec le taux de 13% auquel emprunteraient les grecs auprès des marchés.