Etre ou ne plus être… L’euthanasie au Parlement
La vie et la mort s’invitent au Parlement. Au cours des prochains jours seront débattus au Sénat une proposition de loi légalisant l’euthanasie et à l’Assemblée un projet de loi sur la bioéthique. Les consciences de chacun seront mobilisées, mais pas uniquement. Il s’agit moins de faire appel aux convictions profondes et aux ressorts intimes de chacun, que de réfléchir à la société dans laquelle nous voulons vivre.
Je reviendrai dans les prochains jours sur les débats bioéthiques (recherche sur l’embryon, anonymat du don de gamètes, procréation médicalement assistée, gestation pour autrui, transfert d’embryons post mortem).
La mort s’est invitée la première dans le calendrier législatif. C’est en réalité la seconde fois que le débat a lieu au cours de cette législature. Le 19 novembre 2009, une proposition de loi déposée par la quasi totalité du groupe socialiste proposait un « droit de finir sa vie dans la dignité » pour les malades « en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée » et qu’ils jugent « insupportable ». Son dispositif était proche de celui que propose aujourd’hui la commission des lois du Sénat. Un collège de praticiens vérifie le caractère libre, éclairé et réfléchi de la demande. Si tel est le cas, l’aide active à mourir a lieu dans les deux jours, l’intéressé pouvant évidemment et à tout moment rétracter sa demande.
François Fillon, dans une tribune publiée dans le Monde daté du 25 janvier, entre de manière inédite dans le débat pour affirmer son opposition à la légalisation de l’euthanasie. C’est parfaitement son droit, et c’est même son honneur de ne pas l’esquiver. En la matière, le législateur doit œuvrer avec responsabilité. Les cas doivent demeurer exceptionnels, l’encadrement de cette pratique doit être stricte, toutes les garanties doivent être prises pour que la pression sociale, familiale, le sentiment de devenir une charge, n’emportent pas la décision du malade. Tous les moyens sédatifs, palliatifs doivent être proposés. Le Premier Ministre nous alerte sur la situation belge où les cas d’euthanasie seraient passés de 24 à 822 en sept ans. Il fait bien.
Là où l’argumentation de François Fillon s’affaiblit c’est lorsqu’il admet être « à titre personnel, hostile à la légalisation d’une aide active à mourir ». Et d’ajouter « ce n’est pas ma conception du respect de la vie humaine et des valeurs qui fondent notre société ». Le lisant, je me demande ce qui motive son refus : sa conception personnelle de la mort ou les valeurs qui fondent notre société ? Chacun appréhende le suicide, la souffrance, la dépendance en fonction de ses croyances. Dès lors qu’elles n’ont pas à être supportées par un tiers, elles sont toutes légitimes et doivent être respectées.
C’est précisément ce qu’organise le principe de laïcité qui est au fondement de notre République. Et c’est à la lumière de ce principe qu’il m’apparaît aujourd’hui nécessaire d’écrire la loi.
Dans le silence des services hospitaliers « longs séjours », il y a des souffrances, parfois indicibles, qui ne nous appartiennent pas. A l’heure de cette dernière heure, chacun a rendez-vous avec lui-même.