Nicolas Sarkozy, héros sans direction et capitaine sans courage.
Dans une campagne, le candidat qui l’emporte est celui qui fixe l’agenda médiatique et impose ses thèmes de campagne. En 1995, Chirac prescrit le diagnostic de la fracture sociale ; en 1997 Jospin convainc que tout n’a pas été fait pour créer des emplois ; en 2002 Chirac se fait réélire sur le thème de l’insécurité ; en 2007 Nicolas Sarkozy gagne sur la promesse du « travailler plus pour gagner plus ».
Le président-candidat est aujourd’hui dans une posture délicate. Son bilan médiocre lui ferme à peu près tous les terrains ; Il a donc entrepris de manière méthodique une opération pour tenter de fermer progressivement tous les sujets délicats. Il pense que le long feuilleton DSK interdit à la gauche de prendre l’avantage sur le terrain de la moralité et de l’exemplarité. Il cherche désormais à circonscrire le débat économique et social.
La crise de la dette (dont il est largement responsable avec les 75 milliards de cadeaux fiscaux sur 5 ans) est si contraignante qu’elle dicterait une politique unique. Les caisses de l’Etat étant vide, il n’y aurait d’autre action crédible que de poursuivre sur une ligne d’austérité.
Le débat ne serait donc plus sur la nature de la politique à conduire, mais sur les capacités personnelles du chef capable de mener la seule politique possible, la sienne.
Nicolas Sarkozy incarnerait selon ses supporters, la figure emblématique du « capitaine qui tient ferme la barre dans la tempête ». Dans un monde en crise, qui pourrait se passer d’une telle force de caractère et d’une expérience aussi précieuse ? Trente ans après Valéry Giscard d’Estaing qui faisait coller sur les murs, « il faut un président à la France », la droite bégaye : pour être président, il faudrait avoir été président…
Nicolas Sarkozy ne s’arrête pas à cet emprunt au président battu de 1981. Il y a trois décennies, la droite tentait d’effrayer les honnêtes gens en diabolisant les alliances nouées par François Mitterrand : si – par malheur – la gauche devait gagner, les chars de l’armée rouge défileraient bientôt place de la Concorde… Les communistes ont été remplacés par les Verts dans l’imaginaire de l’UMP : Si la gauche gagne en 2012, c’est Eva Joly qui défilera le 14 juillet place de la Concorde avec son cortège de chômeurs tout droit venus des centrales nucléaires, fermées dans l’euphorie d’une nuit de victoire.
Toujours les mêmes ressorts. D’un côté ceux de la peur qu’il faut suggérer. De l’autre développer le culte d’un chef qui détiendrait seul les clés du destin national.
Les saillies répétées depuis quelques semaines par les chevaux légers de l’UMP poursuivent le même objectif. François Hollande ne serait pas taillé pour la fonction, maître de l’hésitation, il serait incapable de fixer le cap, contrairement au grand timonier qui excelle dans la fonction depuis cinq ans…
Ces attaques sont cocasses, parce qu’en matière d’hésitations, d’allers retours incessants, de contradictions, Nicolas Sarkozy se pose en champion toutes catégories. Plus grave, il n’apprend pas de ses erreurs, et préfère se réfugier dans un confortable déni qui en politique porte le nom d’irresponsabilité.
Capitaine sans vision, seul le guide son inaltérable désir de durer. Il ne navigue pas, il bouge. Et s’il s’égare, c’est toujours de la faute des autres. Il s’oriente plein nord quand il faudrait aller au sud, c’est la faute des courants ! Il fait hisser la grand voile, ordonne de la doubler de la bonnette lorsqu’il faudrait affaler et sortir le foc, c’est la faute du vent ! le navire dessale, gîte, chavire, pendez le mousse !
Le pays est en « faillite » annonce le maître d’équipage, le capitaine Sarkozy multiplie néanmoins les cadeaux fiscaux aux plus riches et creuse la dette que paient tous les autres. La croissance est en berne, il déclenche une vague de plans d’austérité. La compétitivité des entreprises est menacée, il diminue les crédits de l’éducation tandis que tous les pays émergents investissent au contraire massivement dans la formation de leurs jeunes.
Nicolas Sarkozy n’a cessé de naviguer à contre-courant et pour se justifier, sa langue est devenue la contre-vérité.
Lorsque les passagers s’inquiètent, il dénonce ceux qui l’ont précédé à la barre. La droite est depuis 10 ans au pouvoir et il en est encore à se défausser sur le bilan de la gauche. Courage, fuyons !
Le courage ce serait de reconnaître une politique fiscale injuste qui a privé le pays de recettes pendant cinq ans et contribué à amplifier la crise de la dette. Le courage ce serait aujourd’hui de résister à Madame Merkel lorsqu’elle entraîne l’Europe dans une politique qui conduit à un cycle infernal austérité/Baisse de la croissance/déficits/nouveaux plans d’austérité… Le courage ce serait d’affronter ses clientèles électorales pour les appeler enfin à plus de solidarité. Le courage ce serait de cesser d’opposer et de diviser les Français, Le courage ce serait de lutter non seulement contre Marine Le Pen mais aussi contre ses idées et d’interrompre la folle surenchère de M. Guéant. Le courage, ce serait de ne pas se dédire sur le droit de vote des étrangers aux élections locales. Le courage…
Les thuriféraires du président s’indigneront de ces lignes. Je les entends déjà vanter le flamboyant Sarkozy du Zénith de Toulon qui propose à son peuple, du sang, de la sueur et des larmes.
Le courage du président consisterait donc à venir demander aux Français d’assumer ses erreurs, sans même avoir à énoncer un regret…
Je maintiens donc. Nicolas Sarkozy est un héros sans direction et un capitaine sans courage.