Débat sur le projet de loi de finances rectificative : Adieu le paquet fiscal
Voici le texte de ma première intervention dans l’hémicycle, prononcée à l’occasion du débat en séance sur le projet de loi de finances rectificative.
Monsieur le président,
Mes chers collègues,
Pendant les cinq dernières années, j’ai été secrétaire général du principal groupe d’opposition.
Pendant cinq ans, au bas de ces marches, j’ai eu le loisir et surtout le temps, d’observer la politique conduite par la majorité précédente.
Il y a cinq ans, justement, la droite de cet hémicycle votait le fameux « paquet fiscal », qui est devenu son boulet électoral.
Cinq ans plus tard, l’UMP ne masque pas son désir de charger symboliquement cette loi de finances rectificative pour essayer d’en faire le « paquet fiscal » de la nouvelle majorité.
Depuis une semaine nous entendons l’opposition se déployer sur toutes les antennes pour imposer une réévaluation positive de la loi du 21 août 2007 dite « loi TEPA ».
La ficelle est aussi grosse que l’échec auquel le « paquet fiscal » de 2007 nous a conduit. Cette loi était présentée comme un outil en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat. Je n’aurai pas la cruauté d’insister sur l’augmentation exponentielle du nombre de chômeurs depuis 2007.
Pourquoi la gauche a-t-elle gagné la bataille de l’opinion en 2007 sur le paquet fiscal ?
Tout simplement parce que nous avions dès l’origine détecté les vices de cette loi.
Nous n’avons pas eu besoin d’inventer des cadeaux fiscaux aux plus riches à travers le bouclier fiscal, la non imposition des grosses successions ou l’allègement de l’ISF.
Nous nous sommes contentés de décrire avec précision les effets que l’on pouvait attendre de ces mesures, là où la droite se replie aujourd’hui sur la défense pavlovienne d’un bilan sanctionné par les Français.
Or que nous reprochez-vous aujourd’hui ?
Des balivernes !
D’abord, un matraquage fiscal qui viserait les classes moyennes.
Le reproche est savoureux, venant de parlementaires qui ont accompagné une hausse continue des prélèvements – augmentation de 30 milliards sur 5 ans – qui a frappé précisément les classes moyennes puisque les plus fortunés étaient protégés par un bouclier spécialement conçu à cet effet.
Alors que vous reste-t-il pour tenter de donner du crédit à votre propos ?
Votre imagination !
Vous n’avez cessé d’évoquer une hausse de la CSG dont on ne trouve trace ni dans ce collectif budgétaire ni dans les engagements pris par le gouvernement pour la loi de finances 2013.
Alors faute de grives, vous mangez des merles. Et vous voilà dénonçant la fin du « travailler plus pour gagner plus » avec la fin des allègements sociaux et de la défiscalisation des heures supplémentaires.
Alors qu’en est-il ?
Nous sommes dans cet hémicycle attachés au travail parlementaire, donc au contrôle et à l’évaluation de la loi.
Et je voudrais à ce sujet vous rappeler l’excellent rapport de Jean-Pierre Gorges, député de l’UMP co-signé en 2011 avec notre ex-collègue Jean Mallot dont nous regretterons la pertinence et l’impertinence.
Que disait ce rapport ?
Que le nombre d’heures supplémentaires est demeuré globalement stable. Qu’il n’y a pas eu d’heures supplémentaires, supplémentaires.
Que le dispositif n’a bénéficié ni aux non-salariés, ni aux salariés n’effectuant pas d’heures supplémentaires.
Qu’iI a peu bénéficié aux salariés à temps partiel. Que seuls les foyers imposables ont pu – par nature – bénéficier de la défiscalisation.
Le gain a été évalué en moyenne à 42 euros par mois et par salarié pour ceux qui avaient la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires.
Mais ce que chacun sait aussi ici, c’est que ces 42 euros versés ont surtout contribué à bloquer les salaires car la perversité de ce système tenait en un principe simple : les heures supplémentaires coûtaient moins cher que les heures normales.
Au total cette mesure, qui a surtout constitué un effet d’aubaine, a coûté plus de 4,5 milliards d’euros par an, financés par un surcroît de dette publique dont la conséquence est d’alourdir à terme les prélèvements obligatoires.
Ce constat sévère n’est pas le mien, je le répète, mais celui de la commission d’évaluation et de contrôle qui relève avec un certain goût pour l’euphémisme un « effet ambigu sur l’emploi ». Je lis :
« Le dispositif aurait des effets variables suivant le cycle économique. En phase haute de cycle, il faciliterait la réalisation d’heures de travail, mais en réduisant encore davantage l’appétence des employeurs pour des embauches supplémentaires ; en cas de récession, il pourrait conduire à une réduction plus forte du nombre d’emplois par un recours accru ou maintenu aux heures supplémentaires subventionnées ».
Je vous renvoie encore au propos de monsieur Gorges lors de la réunion du comité du 30 juin 2011 :
« A aucun moment il n’est proposé de supprimer les heures supplémentaires elles-mêmes outil efficace pour l’économie et qui doit être amélioré. Le rapport s’interroge simplement sur la pertinence, en l’absence de croissance économique, d’un dispositif qui n’a fait que bonifier un stock d’heures supplémentaires déjà existant. »
Que rajouter ?
Au fond chers collègues de l’opposition, vous devriez réfléchir à deux fois avant de voter contre cette loi de finances rectificative. Elle a pour effet d’effacer votre péché originel.
L’exonération des intérêts d’emprunts pour l’achat d’une résidence principale, vous avez déjà abrogé le dispositif.
Le bouclier fiscal, vous y avez renoncé pour 2013.
Nous vous permettons juste d’aller jusqu’au bout aujourd’hui en revenant sur l’exonération de droits pour les grosses successions et de revenir sur l’allègement de l’ISF.
Nous vous donnons la possibilité d’en finir avec cette faute contre l’emploi que constituait cette incitation à privilégier les heures supplémentaires sur l’embauche de nouveaux salariés.
Nous vous évitons surtout d’avoir à porter la responsabilité de 12 nouveaux milliards de prélèvements sur les classes moyennes à travers une nouvelle hausse de la TVA que le précédent gouvernement avait courageusement renvoyée au lendemain des élections présidentielles.
Voilà mes chers collègues, cette loi n’est pas le « paquet fiscal » de la gauche, mais la correction des erreurs du « paquet fiscal » de 2007.
Elle signe une volonté, celle du redressement dans la justice.