Présentation de mon rapport budgétaire sur les transports ferroviaires à l’Assemblée nationale
Voici le texte de mon intervention :
Monsieur le président,
Madame la Ministre,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Il y a quelques heures l’ile de France a connu une nuit de chaos sur le réseau ferroviaire de Paris-Nord. Une panne d’alimentation électrique en Seine-et-Marne a entraîné une série d’incidents qui ont conduit à la paralysie totale du trafic des trains de banlieue durant plusieurs heures. Plus de 50.000 passagers se sont retrouvés coincés dans les gares ou dans les trains stoppés sur les voies.
Plus de 50 000 personnes se sont alors demandé comment allait réagir leur employeur, comment maintenir à domicile la nounou qui gardait leurs enfants, comment annuler un rendez-vous important, comment décommander un dîner, comment s’assurer de leur retour tout simplement.
Vous avez Monsieur le Ministre diligenté une enquête. Sans doute en tirerez-vous la conclusion d’une suite d’incidents et d’une responsabilité partagée entre défaillance technique de l’opérateur ou du gestionnaire d’infrastructure et passagers excédés qui ont commis l’imprudence de descendre sur les voies.
La vérité, c’est qu’au delà de cette situation exceptionnelle, 7.500 trains transportant plus de 3 millions de passagers circulent chaque jour en Ile de France.
La vérité c’est 40% des circulations ferroviaires françaises sur 10% du réseau national.
La vérité c’est que sur la plupart des lignes de RER, il y a chaque jour plus de passagers que dans tous les TGV réunis.
La vérité c’est une saturation totale du réseau et un trafic perturbé quotidiennement.
La vérité, c’est que les transports du quotidien ont été trop longtemps délaissés au profit des lignes à grande vitesse.
La vérité c’est que dans notre pays on s’est d’abord préoccupé de faire gagner quelques heures par an à des usagers occasionnels avant de penser à ces femmes et ces hommes qui pratiquent tous les matins et tous les soirs les transports collectifs et qui y passent plusieurs heures dans.
Monsieur le Ministre, vous êtes par vos fonctions devenu le ministre de la vie quotidienne de millions de salariés qui empruntent métros, RER, TER, TET, bus et tramways.
Il y a des millions de femmes et d’hommes qui attendent de vous que leur vie change. Chacun connait la difficulté de votre tâche, les temps de réalisation, les temps de commande de matériels neufs, les phasages de travaux pour ne pas pénaliser le trafic, la difficulté d’opérer dans des secteurs denses.
Mais personne ne vous, ne nous pardonnerait de n’avoir pas fait les bons choix pour la prochaine décennie.
Rien que dans les RER l’augmentation du nombre de voyageurs est comprise entre 3,5 et 5% par an. Dans 10 ans je vous laisse faire le calcul, nous aurons 50% de passagers supplémentaires et dans 20 ans, c’est-à-dire demain dans le monde des infrastructures, 100% !
Monsieur le Ministre, ne laissez pas ces millions de femmes et d’hommes se transformer plus qu’ils ne le sont déjà, en galériens du quotidien.
Je défendrai la semaine prochaine dans cet hémicycle un amendement augmentant de 0,1 point le versement transport en Ile de France. Cela permettra de dégager 175 millions supplémentaires pour financer la régénération des voies et les schémas directeurs qui ne l’étaient pas encore jusqu’ici. Cet amendement a été adopté par la commission des Finances, j’espère monsieur le Ministre que nous pourrons bénéficier de l’accord du gouvernement.
Sans doute penserez-vous que ces propos sont ceux d’un rapporteur qui est un élu francilien. Et que l’Ile de France n’est pas la France. C’est vrai. Mais à quoi sert-il de faire venir toujours plus de TGV à Paris alors que les gares ne comportent pas plus de quais, que les sillons ne sont pas plus nombreux?
Je voudrais vous dire l’irritation de ces usagers du quotidien qui voient leur train immobilisé pour laisser passer un TGV. Je voudrais vous dire l’exaspération de celles et ceux qui courent le matin pour trouver une place de parking devant une gare RER et qui tremblent ensuite d’avoir à affronter l’incompréhension de leurs supérieurs pour leurs retards récurrents.
Je voudrais vous dire mon inquiétude lorsque je vois un projet comme celui de l’interconnection sud, toujours repoussé au lendemain alors qu’il aurait pour effet immédiat de détourner une partie du trafic TGV et désaturerait les lignes C et D.
Il y a des Français pour lesquels toute leur vie ou presque découle de leurs temps de transports : éducation des enfants, vie familiale et conjugale, accès aux loisirs, etc.
Monsieur le Ministre, je viens de dire l’objet de mes préoccupations. Je ne serais pas juste si je ne vous disais ce qui aujourd’hui motive mes espérances.
Je veux saluer votre volonté de réorienter, peut-être même devrais-je me contenter de dire « votre volonté d’orienter« , la politique ferroviaire de notre pays.
Ainsi vous venez d’annoncer la remise à plat du schéma national des infrastructures de transport (SNIT), conçu par le précédent gouvernement.
Comme dans d’autres domaines, je pense notamment à la santé, le gouvernement de M. Fillon n’avait pas hésité à faire tourner la planche à promesses faute de faire tourner la planche à billets.
Tout y était ou presque. Les liaisons ferroviaires qui relient tout à tout le monde, les liaisons routières et fluviales qui désenclavent tous les territoires, les opérations d’intervention sur les réseaux existants…
Rien ne manquait… sinon les financements!
L’ampleur des investissements a été évaluée à 245 milliards d’euros sur 25 ans ! Le niveau de participation de l’Etat nécessaire serait de l’ordre de 90 milliards d’euros, alors que les dépenses annuelles de l’Etat pour les infrastructures sont de l’ordre de 2 milliards ; Faites vos comptes…
56 milliards d’euros étaient à la charge des collectivités locales, ce qui est également hors de proportion.
Je salue donc votre volonté, monsieur le ministre, de dégager une vision partagée et réaliste de ce schéma.
je loue votre décision d’avoir confié à une commission la charge de trier, hiérarchiser, et mettre en perspective les grandes infrastructures, même si, vous le comprendrez compte tenu de ce que j’ai pu dire au début de cette intervention, que je regrette qu’aucun parlementaire francilien n’ait été retenu.
Je me félicite de la nature de la mission confiée à cette commission, c’est-à-dire la priorité donnée aux transports du quotidien, à la rénovation des réseaux existants et l’amélioration à court terme du service rendu aux usagers.
Vous serez également le ministre qui a mis en oeuvre l’éco-taxe poids lourds pourtant prévue dès 2009 après le Grenelle 1.
Ainsi vous permettrez le financement pérenne de l’AFITF dont vous diversifiez les ressources.
Cet apport sera doublement bienvenu.
D’abord parce que le budget de l’AFITF n’est plus équilibré depuis la fin 2008 et que l’Etat a du lui verser une subvention d’équilibre de 1123 millions en 2012, dans un contexte budgétaire que chacun connait.
Ensuite parce que cette écotaxe permettra au budget de l’AFITF de progresser de 10% par rapport à la période 2011-2012 au cours des trois prochaines années.
Avec la revalorisation de la redevance domaniale payée par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, vous offrez à la politique des transports de notre pays des moyens renouvelés qui lui manquaient jusqu’alors.
Il n’y a pas de SNIT crédible sans financement de l’AFITF.
Surtout, Monsieur le ministre vous venez d’annoncer une réforme de la gouvernance ferroviaire dont nous attendons beaucoup.
La loi de 1997 instituant RFF avait pour but principal le désendettement de la SNCF. RFF a ainsi « reçu » 20,5 milliards d’euros de dettes et 22,5 milliards d’euros d’infrastructures ferroviaires.
RFF a pris en charge l’exploitation et l’entretien du réseau, mais la SNCF est demeurée gestionnaire délégué d’infrastructure.
Ce système unique en Europe n’a pas été jusqu’au bout de sa propre logique, puisque pour assurer sa mission RFF n’a pu compter que sur 1300 agents alors que les 50000 agents chargés de l’infrastructure sont demeurés à « SNCF Infra ».
Ce système, faisant de RFF à la fois un organe de défaisance et un gestionnaire d’infrastructure, n’a pas montré son efficience comme a pu le souligner la Cour des comptes dès avril 2008, évoquant une « réforme inachevée » et une « stratégie incertaine« .
S’agissant de la dette, elle n’a cessé d’augmenter. elle se chiffrait ainsi fin 2011 à 28,6 milliards d’euros. Elle devrait atteindre si l’on en croit l’évaluation faite lors des assises du ferroviaire 61 milliards à l’horizon 2025.
S’agissant de la gestion de l’infrastructure, les coûts d’interfaces et de transaction entre SNCF infra et RFF sont estimés entre 1 et 1,5 milliards d’euros, à comparer aux 2 milliards de budget de l’AFITF…
Merci donc de porter une nouvelle ambition pour le ferroviaire dans notre pays.
Et sans vouloir anticiper sur le débat à venir sur ce sujet, je veux vous dire que j’approuve votre volonté de mettre fin à l’organisation fragmentée du secteur en créant un gestionnaire d’infrastructure unifié (GIU) rattaché à la SNCF au sein d’un pôle public ferroviaire unifié.
Voilà Madame, M. le Ministre, chacun a compris que nous étions face à un budget de transition. Vous tenez les engagements pris, financement des 4 LGV, financement des dernières tranches annuelles des contrats de projets 2007 – 2013 relatifs au volet transports et des contrats spécifiques à la modernisation du réseau de transports collectifs francilien, poursuite des investissements prévus dans le cadre de l’engagement national pour le fret ferroviaire, poursuite des efforts pour le désendettement de RFF…
Mais surtout ce budget, en dépit de la réduction de ses crédits entame l’amélioration des transports du quotidien.
Madame, monsieur les ministres, je veux pour conclure vous exprimer mon soutien pour ce qui doit être l’oeuvre majeure de ce quinquennat en matière de transports, afin que nos concitoyens connaissent une amélioration sensible de la qualité du service (confort, information, régularité) et des temps de trajet.
J’ai tout à l’heure évoqué l’augmentation du VT pour l’Ile de France. J’ai renoncé lors de l’examen de la première partie à défendre mon amendement sur l’augmentation de la TAT pour financer les investissements nécessaires au train d’équilibre du territoire qui maillent nos régions. Je souhaite que la réflexion puisse s’engager avec le gouvernement sur ce sujet, tant il apparaît logique de favoriser le report modal (routes / trains) et tant il semble dérisoire de demander un effort à des sociétés d’autoroutes qui vivent sur une rente qui rapporte 1,3 milliards de bénéfices annuels aux seules trois premières.
Voilà, j’achève mon propos en vous remerciant pour votre écoute et votre volonté de donner un sens à notre politique de transports.
On imagine souvent ce ministère comme un ministère technique. Je crois au contraire que vous détenez entre vos mains des décisions politiques de premier ordre. Vous avez en charge une part de la réussite de ce gouvernement. Par vos choix, vous donnerez une couleur au changement.
Avec vous je souhaite que cette couleur soit celle du renouveau de nos services publics. C’est ainsi que je conçois l’édification du nouveau modèle Français auquel le Premier ministre nous a invités.