Projet de loi transparence, intervention en séance
Le projet de loi sur la transparence de la vie publique a été voulu par le président de la République pour rétablir la confiance entre les élus et les citoyens après le choc de l’affaire Cahuzac. Il concilie l’exigence de transparence et la demande des élus au respect de la vie privée. Hier les déclarations de patrimoine des élus étaient secrètes, elles n’étaient peu contrôlées et les manquements n’étaient pas sanctionnés. Avec ce projet, elles seront accessibles au citoyen dans le respect de la vie privée ; leur sincérité sera contrôlée par une autorité indépendante dotée de vrais moyens et les tromperies éventuelles seront passibles de lourdes sanctions.
Tenant compte des débats, et partisan depuis le début de la transparence, Olivier Faure défendra en séance des amendements visant à rendre publique l’évolution du patrimoine des élus au cours de leur mandat.
Olivier Faure s’est exprimé lors de la discussion générale lundi soir :
« Monsieur le président, mes chers collègues,
Nous sommes aujourd’hui rassemblés pour légiférer sur la transparence de la vie publique.
Cette volonté de légiférer est apparue au détour de l’affaire Cahuzac, mais reconnaissons que cette nécessité de lever le climat de défiance auquel les élus sont confrontés, n’est pas nouvelle.
La réponse à la montée des populismes est évidemment d’abord politique. C’est le sentiment d’indifférenciation entre les formations républicaines qui promeut la tentation des extrêmes.
Mais il y a un autre terreau sur lequel prospère l’extrême-droite : le sentiment de l’entre soi, d’élites coupées du monde réel, d’une « classe » vivant au dessus du peuple et selon ses propres règles.
C’est pourquoi je voudrais vous inviter à aller au delà du compromis qui se profile. Le contrôle strict des patrimoines par une haute autorité, la déclaration d’intérêt, la publication des revenus annexes, c’est très bien. C’est un progrès démocratique indiscutable. Fondamental même. Notre président de la Commission des Lois et rapporteur de ce projet a présenté des arguments très forts qui je l’espère trouveront un écho au-delà de ces murs.
Mais disant cela, je sais que vous savez qu’il n’en sera rien. Parce que au-delà de cet hémicycle, cela ne saurait se substituer à toute idée de publication. Il y a une dimension symbolique de la publication que personne ne peut négliger.
Ce dont je voudrais convaincre chacun dans cet hémicycle, c’est que c’est l’opacité qui nourrit le fantasme, et que c’est au contraire la transparence qui détruit les préjugés. La rumeur ne naît pas de la publicité mais de ce qui demeure caché et que la rue assimile souvent à tort, parfois à raison, à un secret suspect.
Pourquoi diable devrions nous sacrifier à ce que certains pointent comme une stigmatisation des élus?
Et bien justement mes chers collègues, parce que nous sommes élus. Elu ce n’est pas un métier. C’est une fonction. Une fonction qui nous est accordée par nos concitoyens pour les représenter. Nous tenons notre légitimité de leurs suffrages. Ce lien particulier suppose que rien ne vienne le dégrader.
Mais pourquoi devrions nous satisfaire une exemplarité qui n’est demandée à aucun autre?
Parce que justement nous sommes une exception dans la République. Nous votons la loi commune. Nous fixons la règle pour tous. Mais nous la fixons aussi pour nous même. Nous fixons nos propres règles. Nos propres revenus. Les sanctions à nos éventuels manquements. Nous sommes les seuls dans la République à bénéficier de ce régime. Parce que nous sommes l’expression du peuple souverain.
Cela suppose en conséquence une exigence particulière.
La contrepartie logique au fait que nous nous fixions nos propres règles est la transparence. Pas par goût de l’exhibition. Ni pour répondre à un voyeurisme de mauvais aloi. Non. Pour que le respect de la règle puisse être directement contrôlé par nos mandants.
Les données publiées c’est selon l’association Transparency International la possibilité que les « données publiées restent accessibles et que tout journaliste, association, citoyen puisse y avoir accès et éventuellement en cas d’omission, faire remonter l’information à la Haute autorité ».
C’est pourquoi je vous proposerai au cours de ce débat un amendement qui nous permette de répondre à cette demande tout en protégeant la vie privée. Et c’est possible !
L’idée est simple. Tout patrimoine acquis avant l’élection fait l’objet d’une déclaration, visible en préfecture dans les conditions que chacun connaît et que le Ministre a rappelé dans son discours liminaire. En revanche, à l’issue de chaque mandat, est publié le montant du patrimoine acquis pendant la durée dudit mandat. Ce qui en d’autres termes signifie que le montant total du patrimoine n’aurait pas être dévoilé, mais que son évolution pendant le mandat devrait être totalement transparente. L’évolution du patrimoine voilà le sujet a reconnu notre rapporteur au cours de la discussion générale.
Cette idée ne devrait faire peur à personne puisque nos indemnités sont déjà publiques et que nos éventuels revenus annexes tirés de l’exercice d’une profession le seront désormais.
A l’inverse craignons qu’en refusant de publier cette part de notre patrimoine, celle qui relève de son évolution pendant la durée du mandat, nos concitoyens n’imaginent que ce que nous avons à cacher est au-delà même de leurs soupçons.
La République, mes chers collègues, elle est fragile chaque fois que s’affaiblit le lien entre représentants et représentés. Chaque fois que les élus donnent le sentiment d’échapper à celles et ceux qui leur ont confié leur pouvoir. Chaque fois que le sentiment gagne que nous sommes guidés plus par nos intérêts personnels que par l’intérêt général.
La République n’est pas de droit divin. Elle suppose une adhésion.
Nous avons beaucoup contribué par le passé à clarifier les liens entre argent et partis politiques. Et reconnaissons que les lois successives contre la corruption et le financement des campagnes ont heureusement assaini la vie politique.
Ma conviction est qu’aujourd’hui cette adhésion suppose que nous mettions aussi un terme au soupçon qui pèse sur chacun d’entre nous en acceptant de nous soumettre au minimum de transparence que nos concitoyens sont en droit d’attendre de nous.
La transparence, nous y viendrons. Tôt ou tard. Plutôt que d’y être contraints sous la pression, je préfèrerais que nous en fassions le choix conscient et volontaire.
J’ai entendu dans ce débat citer les noms de grands anciens. Nous avons convoqué Athènes, les Lumières, la Révolution française… Très bien ! Mais plutôt que de nous tourner vers les siècles passés, je voudrais que de nous on dise aussi : A leur tour ils ont fait avancer la démocratie »