Conseil national – ma feuille de route pour le Parti socialiste

Conseil national – ma feuille de route pour le Parti socialiste

Le Conseil national s’est réuni pour adopter formellement le report du Congrès de Villeurbanne, le nouveau secrétariat national, la feuille de route du Parti socialiste pour les mois à venir et le lancement d’une réforme de nos statuts. J’ai présenté aux membres du Conseil national réunis en visioconférence l’orientation des travaux que le Parti socialiste mènera dans ces prochains mois.

 

Chers camarades,Si vous saviez comme j’aspire à vous retrouver dans une même salle,à partager les mêmes débats, les mêmes émotions. Une fois encore,nous tenons notre Conseil national à distance les uns des autres. C’est ainsi… Avançons!Nous n’avons pas de temps à perdre.Ces prochains mois revêtent une importance stratégique. Si la commission Debré n’a pas servi de diversion, nous aurons à préparer la campagne des élections régionales et départementales en juin. Cette échéance sera la dernière avant les élections présidentielles. Elle doit confirmer les succès des municipales.Ces mois doivent aussi être ceux de la préparation de l’élection présidentielle et des législatives qui suivront.La feuille de route que je m’apprête à dérouler devant vous a cette seule vocation: être prêts.Ce qui se jouera en 2022 va bien au-delà de notre volonté commune de mettre fin à la présidence actuelle, libérale par conviction, sociale sous seule la contrainte de la crise sanitaire.Notre pays a besoin de retrouver une boussole qui n’indique pas en permanence, et en même temps, le Nord et le Sud. Notre pays a besoin de retrouver des repères.En quelques décennies,tout ce qui structurait le pays a vacillé. Jamais l’Histoire n’avait connu une telle accélération. Tout a changé à un rythme inédit.Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la France est encore un empire colonial, la religion catholique matrice les vies d’une majorité d’habitants de l’Hexagone, les épouses viennent d’obtenir le droit de vote mais elles n’ont accès à l’ouverture d’un compte bancaire qu’avec l’autorisation de leur mari, l’IVG se pratique clandestinement, la guerre froide domine les rapports internationaux, les Français regardent la télé en noir et blanc sur trois chaînes, la presse écrite n’est concurrencée que par les dîners de famille, le téléphone est encore filaire, la France connaît une croissance continue que rien ne semble freiner, pas même les ressources planétaires…

Au cours des décennies suivantes, le rythme ne s’est pas ralenti. Les métiers ont changé. Les moyens de communiquer, de s’informer, de voyager, ont changé. Le visage de la France blanche et catholique a changé. La France majoritairement rurale n’est plus qu’un souvenir. Nos modes de vie ont changé. Nos mentalités ont changé. Nos modes de consommation ont changé. Notre rapport au monde a changé. Même la figure de l’ennemi a changé. Hier,il venait du froid, il a aujourd’hui le visage de l’islamisme radical. Tout ou presque a changé.C’est un tourbillon qui a tout emporté. Là où les bouleversements du monde prenaient jusqu’ici des siècles, ils n’ont pris que quelques décennies.Et comme si tout cela ne suffisait pas,les chocs et les crises se succèdent depuis le milieu des années 70 et aujourd’hui se cumulent. Crises sanitaire, économique, sociale, climatique, auxquelles vient s’ajouter cette guerre asymétrique qu’est le terrorisme.C’est à tous ces bouleversements que les Français sont soumis pour le meilleur et pour le pire. C’est un jeu de cartes où tous les atouts ont été redistribués. Les plus connectés à l’époque en tirent profit, les autres s’inquiètent de la place qui leur sera laissée. Les plus jeunes ne voient le monde qu’à travers une succession de crises et désespèrent même de l’héritage que nous leur laisserons.En 2017, Emmanuel Macron a donné le sentiment qu’il pouvait répondre à ces angoisses en promettant à nos concitoyens d’entrer dans le nouveau siècle et dans un «Nouveau Monde» dont lui seul possédait les clés.Il n’en a rien été.La «start-up nation»a laissé sur les ronds-points les Français de la France périphérique et rurale, les ouvriers, les déclassés, les agents des services publics, les «illettrés», les «gaulois réfractaires», les gens de «rien».Ce président qui devait rendre la planète «great again» ne respecte pas ses propres engagements sur le réchauffement climatique et a été jusqu’à contraindre sa ministre de l’Environnement à se parjurer sur l’interdiction des néonicotinoïdes.La crise sanitaire aurait dû souder le pays, mais la gestion erratique de cette crise, les mensonges et les improvisations ont nourri le complotisme qui est venu comme chaque fois, hélas, combler le manque de sens.Et quand les libéraux qui nous gouvernent découvrent les vertus de l’État-providence sous la contrainte, c’est pour en faire supporter la facture aux gens ordinaires puisque les grandes fortunes, les multinationales du numérique, les profiteurs de crise doivent être épargnés par la facture.Le président s’est replié sur la conviction de son propre génie. Il gère la crise sanitaire dans le secret du conseil de défense. Après avoir snobé les corps intermédiaires, il contourne le Parlement par la permanence d’un état d’urgence qui le place hors de contrôle, menace l’indépendance des universitaires et leur liberté de

penser, et comme si cela ne suffisait pas, il envoie son ministre de l’Intérieur terroriser… les journalistes.L’enjeu de la prochaine présidentielle est là. En finir avec la dérive libérale-autoritaire.En redonnant sens à l’action collective. En offrant une vision. En redéfinissant le progrès et en ouvrant un chemin à la République sociale, écologique, démocratique, et égalitaire,donc féministe.Le congrès de Villeurbanne aurait dû marquer le coup d’envoi de cette dernière ligne droite. Puisque les conditions sanitaires nous ont contraint à son report, je suis venu ce soir vous demander de créer les conditions d’un Big Bang de la gauche et de l’écologie au cours de l’année 2021.Nous avons une identité propre, nous sommes devenus le parti de la République sociale et écologiste.Nous avons une spécificité à gauche,nous sommes le parti de l’action et de l’exercice des responsabilités.Nous avons un devoir vis-à-vis de celles et ceux qui espèrent l’alternance: être le parti qui permet le rassemblement de la gauche et de l’écologie.Après le temps de la résilience municipale est venu le temps de l’affirmation de ce que nous portons.Les prochains mois seront d’abord consacrés à l’écriture de notre projet. Ce travail sera conduit par une direction élargie à des camarades issus de toutes les sensibilités.Je vous propose d’aller au bout de notre volonté de reconstruction en donnant à notre prochain congrès l’ambition d’une véritable refondation.Le cycle entamé il y a cinquante ans à Épinay est achevé. Il faut en ouvrir un nouveau, forcément différent, mais que nous rendrons aussi prometteur.Sur la base de ce que nous portons,nous devrons ensuite tendre la main à celles et ceux qui, à gauche et chez les écologistes,sont prêts à mettre l’intérêt général au-dessus de leurs intérêts propres. Et nous devrons chercher avec nos partenaires à bâtir un contrat de coalition qui lie nos destins sur une législature.Mon souhait –je ne vous apprends rien –est de créer les conditions d’un projet commun qui conduise à une candidature commune à la gauche et aux écologistes. Mais, je le dis aussi: quelles que soient les hypothèses, en 2022 nous serons prêts!Je reviens en quelques mots sur chaque étape.La première étape,c’est d’abord l’affirmation de ce que nous sommes et de ce que nous portons. Les mois qui nous conduiront à l’été 2021 seront consacrés à l’écriture de notre projet.

Nous ne partons pas de rien, comme je l’entends parfois dire par des camarades que je ne peux croire mal intentionnés, mais qui sont mal informés. Nous n’avons cessé d’auditionner et de produire au parti comme dans nos groupes parlementaires. Il y a dans ces travaux une base riche qu’il faut maintenant compléter. Ce sera la première des tâches de la prochaine direction.Je veux que le Parti socialiste donne le tempo du débat à gauche, que chaque mois nous mettions sur la table un document de proposition sur une des questions cruciales pour l’avenir du pays. Elles seront, au fil du temps, adressées aux syndicats, associations, ONG et rendues publiques sur notre plateforme de débat en ligne afin que tous les Français qui le souhaitent puissent les challenger, les enrichir, les amender. L’engagement que nous prenons,c’est de retenir au final les meilleures dispositions,c’est-à-dire celles qui satisfont les objectifs fixés avec la plus grande efficacité.Pour chacun des grands enjeux à traiter,nous mobiliserons le parti, ses fédérations et ses militants pour alimenter notre réflexion; nous constituerons une équipe nationale pour conduire ces travaux en associant les fédérations, les secrétaires nationaux, les groupes parlementaires, les réseaux d’élus locaux. À l’issue de chaque publication,des camarades seront désignés pour aller porter nos idées dans les territoires, dans les débats de la gauche et dans les médias. Ce sera aussi l’occasion de faire émerger de nouveaux visages socialistes. Ce parti est plein de talents,ils doivent pouvoir contribuer, ils doivent pouvoir s’exprimer, ils doivent pouvoir apparaître et incarner notre renouveau.Au fil des mois,nous poursuivrons également notre travail d’écoute et de compréhension de ce que vivent les Français, de leurs attentes, et des grandes transformations de notre environnement et de notre société. Pour mener à bien ce travail,nous poursuivrons nos auditions et la mobilisation des travaux des intellectuels et des chercheurs. Mais je veux faire plus, je veux ensemble que nous fassions plus, que nous allions en direction des Français pour organiser 1000rencontres avec eux dans tous nos territoires, dans les conditions que nous dictera le virus.Notre université d’été permettra d’exposer l’aboutissement de ce travail collectif. À l’issue de ce processus,ce son tles militants socialistes qui trancheront par leur vote notre nouveau projet.Ce travail,nous ne le mènerons pas seul. Le projet des socialistes doit devenir le projet de toutes celles et ceux qui partagent nos valeurs, qui veulent construire avec nous à gauche un grand parti réformiste pour changer le pays.Ils sont aujourd’hui nombreux dans le monde syndical, associatif, caritatif, humanitaire, sportif, dans l’économie sociale, l’éducation populaire, dans l’engagement féministe, la lutte antiraciste, le mouvement laïc, celles et ceux qui sont orphelins d’une grande formation capable de gouverner sans sacrifier notre volonté commune de transformation. Ils sont surtout nombreux ces Françaises et ces Français, entrepreneurs, salariés, artisans, ouvriers, agriculteurs, étudiants, chômeurs, retraités, qui ont besoin de trouver un parti politique qui ne leur vende pas du rêve,mais qui soit à même de faire évoluer leur réalité personnelle ou professionnelle.

Je leur propose dès maintenant de s’associer à nos travaux et de rejoindre nos débats au cours de ces mois d’affirmation qui prépareront notre projet. Toutes les initiatives lancées depuis des mois par des clubs, des think tanks, des appels de toute nature,doivent converger dans les lieux et les moments que nous proposerons. Les forces les plus proches de nous doivent aussi pouvoir librement s’associer à nos travaux. J’en appelle à un travail collectif, ouvert, fraternel, de reconstruction de notre identité et de notre projet, socialiste et écologique, un projet fidèle à notre histoire et à nos valeurs,mais qui s’adresse à l’ensemble de la gauche et de l’écologie.Si nous réussissons cette mobilisation, cette implication très large, alors nous devrons lui donner une traduction politique nouvelle. Nous avons un devoir vis-à-vis de toutes celles et ceux qui espèrent encore de la gauche, c’est de leur offrir un débouché politique en acceptant de quitter nos meubles et de nous réinventer avec eux. Ce ne sera pas un trait sur notre histoire, mais un nouveau départ avec de nouvelles figures, de nouveaux talents, des trajectoires différentes.Le temps est venu de tout remettre à plat. Notre organisation, notre fonctionnement, et pourquoi pas notre nom. Tout doit être débattu. Sans tabou. Il faut faire entrer de l’air frais. Vivre sans totems. Et ouvrir un nouveau cycle.J’ai entendu Hélène dire que ce que j’avais pu dire ce matin sur Inter était une rupture dans notre tradition démocratique. J’avoue ne pas très bien saisir le sens de la critique. Qu’y a-t-il de plus démocratique qu’un congrès dans notre parti?Et sérieusement,chère Hélène, nous n’aurions aucune question à nous poser?Nous ne devrions rien changer? Je veux dire, nous ne devrions rien changer à part le nom du Premier secrétaire?Le temps est venu de nous ouvrir à ceux qui partagent notre désir d’ouvrir la tradition socialiste pour répondre à l’exigence écologique, aux mutations de la société numérique, aux évolutions du capitalisme.Je le dis avec solennité ce soir, je ne veux pas d’une force politique construite exclusivement autour d’une candidature à la présidentielle, je ne veux pas plus d’une simple réforme du Parti socialiste, je n’aspire pas à créer une fédération de forces qui resteraient éparses, je vous propose de refonder une nouvelle organisation politique, une nouvelle aventure collective pour les 20 ans à venir, un nouveau cœur pour la gauche, un cœur socialiste et écologiste, un cœur qui bat avec la société au rythme des luttes et des défis de l’exercice du pouvoir.Ayons ensemble ce courage comme d’autres générations l’ont eu avant nous, réinventons le mouvement socialiste pour en continuer l’histoire, c’est cela aujourd’hui notre responsabilité.Mais nous ne pouvons prétendre résumer à nous seuls le bloc social et écologique. C’est pourquoi je souhaite que notre projet soit la base à partir de laquelle nous entrerons en négociation avec celles et ceux qui le souhaitent.Nous ne demanderons à personne de se renier. Chacun viendra avec sa propre identité et ses priorités. Aucune organisation politique n’est aujourd’hui en mesure

d’exiger des autres qu’elles se plient à sa volonté et se rangent derrière son candidat. À chacun de modifier ses habitudes ou de ne pas en adopter de mauvaises.Ce que je propose,c’est un contrat de coalition. Un contrat de coalition, c’est la reconnaissance de l’apport de chacun et c’est l’écriture d’un projet qui lie des partenaires sur cinq ans. Cela suppose un travail sérieux qui ne se limite pas à une addition de slogans et une multiplication de revendications que l’on sait ne jamais pouvoir tenir. C’est un contrat de gouvernement exigeant qui donne la crédibilité d’une démarche. Ce n’est pas le travail d’une nuit de bonnes résolutions. C’est une confrontation entre idées parfois contradictoires et priorités rivales, c’est la recherche de scenarii qui nous engagent devant les Français et permettent la transformation sociale et écologique.Il est vraisemblable que nous ne nous mettrons pas d’accord sur tous les sujets. Il pourra demeurer des sujets de divergence: sur les mesures, sur les priorités, sur leur financement… Que sais-je? Eh bien,je suggère que ce soient les Français qui tranchent. Que nous organisions une forme de primaire des idées sur les sujets qui nous distinguent ou nous opposent.Affirmation de nos idées, refondation de notre formation, recherche du rassemblement de la gauche et des écologistes, voilà la feuille de route. Elle doit être celle d’un Big Bang!J’entends certains réfléchir à mesure que je parle et qui se demandent si tout cela a encore un sens au moment où les annonces quotidiennes de candidatures semblent obérer toutes les chances de rassemblement, au moment où les égoïsmes partisans se cumulent avec le bal des égos.À ceux-là,je dis que le moment n’est pas à l’intériorisation des handicaps, mais au contraire à la création d’une dynamique qui dynamite les calculs perdants.Les vérités de 2020 ne seront pas celles de 2021. Les rapports entre les forces politiques ne seront pas les mêmes avant et après les élections régionales et départementales.La politique,c’est comme le football. Chaque minute compte jusqu’à la dernière. Depuis 1974, tous les pronostics ont toujours été déjoués. En 1974,on attendait Chaban ou Mitterrand et c’est Giscard qui l’a emporté. En 1981, on pariait sur sa réélection et c’est François Mitterrand qui a porté la gauche au pouvoir après 23années d’absence aux responsabilités.Et je pourrais prolonger la longue liste des Barre, Balladur, Juppé qui devaient gagner et dont le destin a buté sur la dernière marche.Rien n’est écrit. Jamais.Mais il y a une règle qui ne se dément pas. Le travail, la détermination et le courage.

50 ans après Épinay, 40 ans après le 10 mai 1981, à nous de prouver, une fois encore, que là où il y a une volonté, il y a un chemin.Ceux qui accompagnaient François Mitterrand ne savaient pas si la victoire couronnerait leurs efforts. Mais ils ont tenu, y compris quand le programme commun fut rompu, y compris après la déception de la défaite de 1978. Ils ont tenu parce qu’ils savaient qu’ils portaient un combat juste et que cela seul suffisait à leur motivation.Nous avons tenu.Nous ne savons rien de ce que l’avenir nous réserve.Nous portons un combat juste.Ma conviction est qu’il existe un chemin qui mène les Justes à la victoire.Vive la gauche, vive la République et vive la France.