M. le Président, respectez vos engagements envers la Convention Citoyenne pour le Climat
Avec de nombreux parlementaires issus de la gauche, j’ai co-signé la tribune suivante adressée au Président de la République et le rappelant à ses engagements. Elle est parue dans le Huffington Post.
Monsieur le Président de la République,
Depuis quelques semaines et encore plus depuis quelques jours, le débat se crispe autour des propositions de la Convention Citoyenne pour le climat dont les principaux acteurs se sentent de plus en plus trahis.
Ils expriment une vive inquiétude de voir le projet initié à votre demande par les 150 citoyens dénaturé et vidé de sa substance. La mise en place d’une Convention Citoyenne pour le climat était une démarche inédite qu’il faut saluer. Il faut rappeler que ce fut aussi une réponse à la crise démocratique exprimée par le mouvement des gilets jaunes qui a mis en lumière les faiblesses d’une gouvernance jugée trop verticale et déconnectée des difficultés quotidiennes de nombreux concitoyens. Tirer au sort 150 citoyens chargés de travailler sur des “mesures concrètes” liées à “la transition climatique” était alors une manière d’impliquer directement la population aux grands défis de notre siècle: la transition écologique et la mutation de notre société.
C’est bien dans le cadre de la mise en place de cette Convention Citoyenne, le 25 avril 2019 devant la presse, que vous vous êtes engagé une première fois de manière explicite: “Ce qui sortira de cette Convention, je m’y engage, sera soumis sans filtre soit au vote du Parlement, soit à référendum, soit à application réglementaire directe.”
Plus tard, le 29 juin dernier, en vous exprimant depuis le jardin de l’Élysée devant les membres de la Convention Citoyenne pour le Climat vous déclariez de manière solennelle: “Je vous confirme ce matin que j’irai au bout de ce contrat moral qui nous lie. En transmettant effectivement la totalité de vos propositions à l’exception de trois d’entre elles, les trois jokers dont nous avions parlé en janvier sur 149…”.
Vos propos étaient à la fois séduisants et engageants. Nous, parlementaires de sensibilités politiques différentes, demandons à pouvoir nous exprimer au sein de nos assemblées sur les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat sans qu’elles soient absentes du projet de loi que le gouvernement est en train de concevoir et qui devrait être examiné par le Parlement dès le début de l’année 2021.
Nous constatons malheureusement qu’en plus des trois “jokers” que vous avez décidé arbitrairement d’utiliser comme la mise en place d’une taxe sur les dividendes, la modification du préambule de la constitution ou encore la limitation de la vitesse sur les autoroutes, de nombreuses autres propositions semblent être remises en cause par les choix de votre gouvernement depuis plusieurs semaines. Nous craignons que le texte finalement soumis à la discussion au Parlement soit amputé d’une grande partie des propositions formulées par les membres de la Convention Citoyenne, notamment:
– Le moratoire sur la 5G, une proposition qui a été caricaturée et tournée en dérision.
– La TVA réduite pour les billets de train, écartée dès l’été par le Ministre de l’Économie.
– La taxation des produits ultra transformés à forte empreinte carbone et faible apport nutritionnel, désormais écartée par le Ministre de l’Agriculture.
– La reconnaissance d’un crime d’écocide. Car rappelons que la création annoncée d’un délit général de pollution et d’un délit de mise en danger de l’environnement ne reviendrait ni à créer un crime (avec tout ce que cela implique du point du vue du droit pénal français) ni, comme cela a été demandé par la Convention Citoyenne, à prendre en compte les “limites planétaires”.
Cette liste non-exhaustive continue à s’allonger. Résultat, de plus en plus de citoyens craignent que la promesse de transmettre “sans filtre” les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat aux parlementaires ne soit pas tenue, alors que les arbitrages du gouvernement ont lieu actuellement. Une pétition pour sauver la Convention Citoyenne pour le Climat a d’ailleurs déjà reçu le soutien de plus de 420.000 citoyens. La mobilisation est forte, les attentes aussi.
La démarche courageuse et inédite qui consiste à avoir mis en place une Convention Citoyenne n’en demeure pas moins extrêmement exigeante et engageante. Elle vous oblige, Président de la République et membres du gouvernement, tout comme nous parlementaires, à reprendre ces travaux pour les discuter et le cas échéant les traduire en dispositions législatives ou les renvoyer à des mesures réglementaires.
À l’échelle nationale, des conférences de citoyens ont été organisées depuis vingt ans sur les choix de société (OGM en 1998, climat en 2002, bioéthique en 2009, déchets nucléaires en 2014) mais certaines sont restées lettre morte, ce qui a contribué à un certain scepticisme autour de la démocratie participative. La démarche que vous avez initiée ne pourra être un succès que si la logique de la participation citoyenne est poussée jusqu’au bout avec la présentation, devant le Parlement ou directement auprès du peuple français sous forme de référendum, de l’ensemble des mesures législatives proposées. C’est la condition pour assurer la crédibilité du processus de démocratie participative et de la parole présidentielle.
Réjouissons-nous que 150 citoyens, venant de milieux et d’horizons différents, n’étant pas tous militants et parfois même sceptiques sur les questions de développement durable se soient mis d’accord au travers d’un plan ambitieux pour agir concrètement contre le réchauffement climatique.
C’est un signal fort adressé par nos concitoyens. Il est maintenant à nous, responsables politiques, de la majorité ou des oppositions, de faire preuve de responsabilité. Dans le climat de défiance que nous connaissons, ne jouons pas avec les propositions de nos concitoyens.
Monsieur le Président, je vous invite à respecter vos engagements en demandant à votre Gouvernement de présenter les conclusions de la Convention Citoyenne au Parlement afin que nous puissions avoir un débat sur l’ensemble de ses propositions.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très haute considération.