« Les primaires ouvertes ne sont plus de saison »
Entretien à retrouver sur le site lemonde.fr
A huit mois de l’élection présidentielle, l’ensemble des forces de gauche plafonne à 20 % dans les sondages. Pourtant, les déclarations de candidature ne s’arrêtent pas. Pourquoi, dans ce contexte, présenter un ou une candidate socialiste à l’élection présidentielle ?
Depuis 1974, aucune enquête d’opinion, à ce moment de la campagne, n’a été prédictive du résultat. La vérité d’une élection présidentielle se situe quelque part entre janvier et mars. Quelque chose se passe, des compteurs se remettent à zéro, il n’y a plus de favoris, de challenger désigné, les cartes se rebattent et c’est alors que s’imposent des candidatures comme celles de Jospin et Chirac en 1995, Bayrou en 2007, Macron et Mélenchon en 2017…
Vous avez officialisé votre soutien à Anne Hidalgo. Par quel mécanisme pourra-t-elle être la candidate du Parti socialiste à l’élection présidentielle ? Les statuts prévoient, pour l’heure, l’organisation d’une primaire citoyenne ouverte à tous…
Les primaires ouvertes, telles qu’on les a connues à deux reprises (en 2011 et en 2016), ne sont plus de saison. C’est une machine à broyer les candidats, une machine à dissensus, là où, au contraire, dans un moment comme celui-là, il faut chercher l’unité et le rassemblement. J’ai proposé une nouvelle méthode pour que les militants puissent choisir leur candidat. S’ils votent la modification des statuts qui leur est suggérée, il y aura donc un vote disjoint du congrès et ils seront les arbitres ultimes pour trancher entre les candidatures qui leur seront proposées.
La motion que vous portez en vue du congrès mentionne clairement Anne Hidalgo comme candidate souhaitée. N’est-ce pas présumer du vote des militants, voire, comme le prétendent certains de vos détracteurs, organiser un vote bloqué ?
C’est absurde cette histoire de vote bloqué puisqu’il y aura, plus tard, un autre vote clairement disjoint. Mais comment peut-on imaginer que quelqu’un qui se présente pour diriger le Parti socialiste, à sept mois de l’élection présidentielle, n’ait rien à dire du projet ou de la personne pour l’incarner ? La transparence suppose que chacun dise quelle est sa préférence. J’ai dit la mienne.
En avril, à l’issue d’une réunion des forces de gauche, vous vous disiez favorable à « un candidat de rassemblement ». Au soir des régionales, vous avez au contraire théorisé l’existence d’un « plafond vert ». Vous défendez depuis une candidature issue des rangs socialistes. Comment expliquer ce revirement ?
Qui peut nier le fait que la fragmentation de la gauche et des écologistes fragilise ses chances de victoire ? J’ai proposé de cheminer vers une candidature commune. Je n’ai posé aucun préalable, mais fixé un critère simple : retenir la meilleure offre politique. Nous avions à faire la preuve que nous étions les mieux placés. C’est chose faite. Il y a trois ans, les « insoumis » étaient la première force de gauche ; il y a deux ans, les écologistes étaient la première force de gauche.
Aujourd’hui, incontestablement, la force qui a le maillage territorial le plus conséquent, ce sont les socialistes. Les seuls qui ont réussi à faire élire et réélire des maires, des présidents de région, des présidents de département, ce sont les socialistes. Je ne vous parle pas d’un sondage qui mobilise 1 000 personnes, mais de scrutins qui ont déplacé plusieurs millions de Français. Nous sommes donc particulièrement fondés à revendiquer pour les socialistes la candidature commune à l’élection présidentielle.
Aucune force de gauche ne semble pour le moment disposée à se ranger derrière un candidat socialiste, et d’autant moins les écologistes, en pleine primaire interne. Quelles conséquences en tirez-vous ?
Les écologistes répètent qu’inexorablement, il y aura un bulletin écologiste au premier tour. Je le regrette. Tout le monde clame : « Macron ce n’est plus possible, Le Pen c’est un enfer, nous avons dix ans pour éviter les ravages que nous prépare le réchauffement climatique, une urgence sociale inédite en partie révélée par la crise sanitaire, une crise démocratique qui ne se dément pas. »
Alors, chacun aura à prendre ses responsabilités. Que les électrices et les électeurs qui se reconnaissent dans cette république sociale, écologiste laïque, féministe, démocratique que propose notre projet se rejoignent sur une candidature, celle qui sortira de nos rangs et qui permettra, je l’espère, de gagner cette présidentielle.
Qu’en est-il de la candidature d’Arnaud Montebourg ?
Je l’ai vu, on s’est parlé. Il m’a dit ce qu’il allait faire, je lui ai dit ce que je faisais. J’écouterai attentivement. On verra son positionnement. J’espère qu’à un moment la raison l’emportera. On ne peut pas multiplier à l’infini les candidatures.
Vous persistez à croire à l’existence d’un chemin, alors que cinq candidats de gauche se disputent un électorat loin d’être majoritaire ?
Je ne nie pas la difficulté. Il nous reste plusieurs mois pour faire bouger les choses. Nous serons prêts, quelles que soient les circonstances.