Pourquoi j’écris à Chantal Brunel
En 2007 il s’en est fallu de peu pour que Chantal Brunel ne soit pas élue. Si les communes de gauche avaient connu une participation similaire à celles de droite, le score se serait inversé. Ce fut une belle bataille. Aucun socialiste n’a hélas gagné en Ile de France contre un député sortant de droite. Mais dans cette seule circonscription de Seine et Marne, le résultat de 2007 fut supérieur à celui de 2002.
Je n’en ai conservé aucune amertume. Faire de la politique exige d’accepter la victoire comme la défaite. Seul le peuple est souverain.
Depuis j’ai été nommé secrétaire général du groupe socialiste à l’Assemblée Nationale. J’ai à ce titre croisé régulièrement Chantal Brunel dans les couloirs du Palais Bourbon avec laquelle les relations ont toujours été courtoises. J’ai sur ce blog évité de personnaliser le combat droite-gauche en le transformant en un débat permanent avec la députée de la 8e circonscription.
Mais ses insupportables déclarations sur l’immigration m’ont tellement indigné que je suis sorti de cette réserve. Ces propos ne sont pas une énième gaffe de l’ancienne porte-parole de l’UMP. Elle a choisi de les confirmer sur son blog. Ils sont le fruit d’une réflexion cynique sur les moyens de conserver une circonscription (qui a pourtant été redécoupée sur mesure). Curieuse coïncidence, un sondage privé réalisé par Opinionway vient d’être réalisé dans la circonscription. De là à y voir un lien de cause à effet…
En 2007 Chantal Brunel a pratiqué une campagne flattant tous les communautarismes poussant la sophistication jusqu’à faire traduire sa profession de foi dans certaines langues d’origine de nos concitoyens. Elle a entretenu les amalgames les plus douteux pour capter le vote de celles et ceux qui, boat people, ont fui le communisme Vietnamien, Cambodgien ou Chinois. Aujourd’hui c’est la même qui suggère de renvoyer à la mer les réfugiés des rives sud de la Méditerranée. Cette fois, c’est trop.
Laurent Wauquiez a dérapé voici quelques jours en évoquant les « racines » de DSK. Il a depuis cherché à corriger le tir et a annoncé qu’entre la gauche et l’extrême-droite, son choix se porterait toujours sur le républicain. On aimerait être certain qu’il en est de même pour Chantal Brunel. C’est le sens de la lettre que je viens de lui adresser et dont vous pourrez lire ci-dessous le contenu :
« Madame la députée,
Vous avez choqué la France entière par vos propos : « il faut rassurer les Français sur toutes les migrations de populations qui viendraient de la Méditerranée. Après tout remettons-les dans les bateaux » ! Le Premier Ministre, François Fillon a lui même dû intervenir publiquement pour désapprouver vos déclarations.
Votre expression est d’autant plus scandaleuse qu’elle a pour arrière-pensée transparente votre volonté de venir pêcher dans les eaux troubles du FN. « Marine Le Pen n’a aucune solution à proposer, nous on doit montrer qu’on a des solutions » avez vous ainsi ajouté.
Depuis sur votre blog, loin de vous excuser, vous avez confirmé : « le sens de mes paroles ne change pas ».
Votre course-poursuite avec l’extrême-droite ne peut qu’inquiéter.
La politique que vous soutenez conduit au désordre en poussant les Français les uns contre les autres. L’instrumentalisation du débat sur l’Islam a provoqué la réaction vive du président du Conseil des démocrates musulmans de France.
La surenchère sécuritaire qui a fait suite au discours de Grenoble du président de la République a indigné jusqu’aux centristes de votre majorité qui ont refusé de voter la déchéance de la nationalité. Le Conseil Constitutionnel, hier soir, dans une décision d’une sévérité inédite a lui même censuré les articles majeurs de la loi sur la sécurité intérieure que vous avez votée sans sourciller.
Nos concitoyens ont le droit de savoir où les conduira vos dérives puisque comme députée, vous intervenez non pas à titre personnel, mais en leur nom.
Aussi je vous demande instamment de vous prononcer à l’instar de vos amis Nathalie Kosciusko-Morizet ou Laurent Wauquiez qui, eux, ont clairement refusé toute ambiguïté vis-à-vis de l’extrême-droite. Dans l’hypothèse d’un second tour entre un candidat socialiste et un candidat FN, quelle sera votre attitude ? Pour qui appellerez-vous à voter ?
En 2002 les électeurs de gauche ont accordé leurs suffrages à Jacques Chirac pour éviter une nouvelle progression catastrophique de l’extrême-droite. Aujourd’hui la responsabilité est dans votre camp. Nous attendons de vous que vous soyez à la hauteur.
Salutations républicaines,
Olivier Faure »