« Le socialisme écologique est la réponse aux grands dérèglements »
Le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, brigue sa réélection lors du congrès prévu fin janvier 2023, à Marseille. Confronté à deux candidatures concurrentes, il défend le rôle moteur des socialistes à l’intérieur de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes).
Pourquoi vous représentez-vous à la tête du parti ?
Le combat des cinq prochaines années est simple : il s’agit de savoir quelle sera l’alternative à la politique macroniste. Est-ce que ce sera l’extrême droite ou la gauche ?
Qu’est-ce que le socialisme écologique ?
D’où venons-nous ? De la synthèse produite par Jaurès, celle de la République sociale. Que nous dirait-il aujourd’hui ? Qu’il ignorait les conséquences de l’activité humaine sur la planète et qu’il faut d’évidence ajouter au projet initial la dimension écologique. Sortir du productivisme. La croissance telle que nous la connaissons n’est ni durable ni supportable.
Il faut d’abord définir ce que sont nos biens communs, et se donner les moyens de les préserver. La recherche pathologique du profit, l’hyperconcentration des richesses menacent notre cohésion sociale et contredisent l’idée de justice climatique. Il faut reprendre les choses dans l’ordre. D’abord l’humain et la Terre qui le nourrit.
Pendant cinq ans, comment faire grandir la gauche ? En travaillant avec Emmanuel Macron ou par une opposition inconciliable ?
Les Français ont fait le choix de priver Jupiter d’une majorité absolue. Nous devons assumer un parlementarisme de fait. A l’Assemblée nationale et au Sénat, nous cherchons à infléchir la politique gouvernementale. Je ne refuse pas les compromis a priori. Mais la réalité, c’est que le pouvoir actuel n’en a cherché aucun depuis le mois de juillet et n’a retenu aucune de nos propositions.
Allez-vous voter le projet de loi sur les énergies renouvelables ?
Le gouvernement dit vouloir nous associer sur ce projet. Tout ce qui ira dans le bon sens ne mérite pas de blocage, mais il faut sortir des logiques de communication. Le décalage entre les discours présidentiels et la réalité budgétaire accordée à la transition écologique est stupéfiant. Emmanuel Macron est un énarque, il est l’homme du grand oral. A l’écrit, c’est-à-dire dans la loi, c’est très différent.
La France insoumise estime qu’il faut provoquer une dissolution pour accélérer la prise de pouvoir. Et vous ?
Je ne la crains pas, mais le seul maître du jour et de l’heure de la dissolution, c’est le président… Et je n’oublie pas que si nous avons gagné le premier tour des législatives [le 12 juin], nous avons perdu le second [le 19 juin]. Je suis conscient de la faiblesse dans laquelle nous sommes encore. Nous ne pouvons nous limiter à incarner un rejet. Nous devons porter un projet suffisamment attractif pour nous assurer de la victoire.
Sur quel projet rassembler la Nupes ? Beaucoup de sujets (travail, Europe, international) suscitent des divergences…
La gauche a toujours été plurielle, y compris au PS, quand le parti allait de Jean-Luc Mélenchon à Dominique Strauss-Kahn. Mais je m’agace de constater que, depuis septembre, nous nous noyons dans une suite de polémiques, parfois inutiles ou vides de sens.
Il est urgent de se réaxer sur nos fondamentaux. Face au grand dérèglement libéral, il faut faire la pédagogie du détricotage consciencieux du modèle social français. Les réformes de l’assurance-chômage et des retraites doivent faire l’objet d’une large mobilisation. Il est nécessaire de préparer le rapport de force avec le gouvernement avant le dépôt du projet de recul de l’âge légal.
En améliorant l’image de la gauche sur les sujets régaliens ?
Nous avons eu tort d’escamoter le débat sur l’identité nationale. Les vides que nous laissons, c’est l’extrême droite qui s’en empare. Nous sommes les héritiers de la révolution française. L’identité de la France, elle est là !
Reste à définir comment cette promesse républicaine est assumée. Il faut réaménager le territoire, créer de nouveaux centres. Les territoires périurbains et ruraux ne peuvent être définis comme la simple périphérie des métropoles. La sécurité ne peut pas être un point aveugle. Nos élus locaux s’emparent partout du sujet. Les premiers touchés par l’insécurité sont les classes populaires.
Le gouvernement entend imposer l’immigration comme thème, notamment pour isoler la gauche. Quel projet défendez-vous ?
Si nous ne sommes pas à la hauteur de l’ambition climatique, nous vivrons de grandes migrations. Je souhaite un « GIEC des migrations », qui permette d’alerter et d’anticiper. On ne peut se contenter de traiter des conséquences, comme la droite et l’extrême droite. Il faut d’abord traiter les causes.
Aucun mur, aucune douane au monde ne parviendront à contenir les dizaines de millions d’êtres humains qui traverseront les frontières pour se donner un droit à l’existence. C’est ça, le réalisme. Tout le reste, c’est de la fantaisie. Je ne suis pas pour autant « no border » [sans frontières]. Il faut désencombrer les procédures de droit d’asile, créer une voie humanitaire, une voie climatique pour sélectionner celles et ceux qui méritent l’accueil et l’organiser. Et en bonne logique, reconduire aux frontières celles et ceux qui n’ont pas leur place.
Vos deux concurrents à la tête du parti, Nicolas Mayer-Rossignol et Hélène Geoffroy, vous reprochent votre alliance avec Jean-Luc Mélenchon. Que leur répondez-vous ?
Deux lignes s’affrontent aujourd’hui, la mienne et la leur, qui appelle à sortir de la Nupes tout en prétendant convoquer des états généraux de la gauche… Comment prétendre rassembler autour de soi tout en prônant les gauches irréconciliables ?
Depuis quatre ans, j’essaie, non pas de cultiver un patriotisme de parti étroit, mais d’emmener toute la gauche vers sa propre refondation. La Nupes est un récit encore en construction. Il appartient aux socialistes d’en faire le ferment de la victoire.
Aux dernières législatives, la Nupes a été menée par M. Mélenchon. Peut-il à nouveau conduire cette alliance ?
Nous ne pouvons pas appeler à une nouvelle République et figer tous les rapports de force sur la dernière élection présidentielle. Ce serait paradoxal. Entre avril et novembre, les rapports de force entre nous ont évolué. Personne ne peut revendiquer une hégémonie. Il faut un partage juste et efficace permettant de briser les plafonds, qui nous ont tenus à l’écart de la victoire.
Si vous êtes réélu premier secrétaire du PS, pourriez-vous emmener une future alliance de gauche ?
On ne va pas recommencer le bal des ego. Il faut d’abord bâtir un contrat de coalition et ensuite chercher la meilleure incarnation. J’aspire à ce que les socialistes redeviennent une force d’entraînement. A nous d’en apporter la démonstration. Il n’y a pas d’un côté des gens qui seraient prédestinés au pouvoir et d’autres cantonnés à regarder passer les trains. A chacun de se mettre en situation d’être le meilleur. Il y a de saines émulations. Mais la condition, c’est le respect de chacun et la préservation de l’union.