Blog-notes N°6 – Un si beau week-end de juin
L’histoire est une source inépuisable.
Vous voudriez que je vous parle du week-end précédent, je vais vous parler du week-end du 11 au 13 juin 1971. Pas par esprit de contradiction, mais par esprit de comparaison car « on ne construit aucune force si on ne sait pas d’où elle vient, si on n’a pas conscience de son histoire et des combats qu’elle a pu mener »
Il y a 52 ans donc, sur les terres fougueuses et impétueuses de la Seine-Saint-Denis, se tient le désormais mythique congrès d’Epinay. Après l’échec aux présidentielles de 1969 de Gaston Defferre portant les couleurs des socialistes, recueillant seulement 5% des suffrages, le temps est venu pour le socialisme de se refonder, d’écrire un nouveau chapitre enthousiasmant et exaltant. Au terme de ce congrès la motion présentée par François Mitterrand, alliée à trois autres, s’impose. Pas avec un score soviétique, avec 51% des voix seulement.
Ce dimanche 13 juin, le nouveau premier secrétaire du Parti Socialiste livre à la tribune un discours de « fête » pour toutes celles et ceux engagés à « bâtir le socialisme » dans l’unité. Dans sa vibrante déclaration, il rappelle « que la transformation de notre société ne commence pas avec la prise du pouvoir, elle commence d’abord avec la prise de conscience de nous-mêmes et la prise de conscience des masses. La vocation groupusculaire, ce n’est pas la mienne ni celle des amis (…) ».
Le Parti socialiste pèse alors moins du quart de ce que représente le parti communiste, lui-même soumis au Kremlin. Et pourtant François Mitterrand a l’intuition que le moment est venu de réaliser un programme commun de gouvernement des radicaux de gauche jusqu’aux communistes. Nous sommes alors en pleine « guerre froide ». La tension est internationale. Partout dans le monde le bloc soviétique se confronte au bloc du « monde libre ». C’est l’époque de la guerre du Viêt Nam, de la guerre israélo-arabe des Six jours ou encore de l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes soviétiques. La course aux armements est intense. Ce qui fera dire en 1981à Michel Poniatowski, ministre de l’Intérieur de Giscard que la victoire de François Mitterrand s’accompagnera de l’arrivée des « chars russes place de la Concorde ». Mitterrand tient bon. Il entend rassembler ces millions de femmes et d’hommes qui aspirent au changement. Écrivant cela, je mesure le caractère dérisoire de ceux qui, aspirant à son héritage, jouent l’air des gauches irréconciliables.
Des esprits subtils voudraient étiqueter tel un label AOP les bons et mauvais sociaux-démocrates. Ceux qui seraient de gouvernement et les autres, ceux qui n’aspireraient qu’à regarder passer les trains de l’Histoire. Ma conviction est simple. Il n’y a pas de prédestination au pouvoir. Il y a la rencontre entre un peuple qui attend et une offre politique qui sait lui répondre. La gauche n’est de gouvernement que parce qu’elle est de gauche.
Je me souviens des premières manifestations, il y a cinq ans contre les lois Pénicaud, des 1ers mai suivants où les socialistes étaient conspués par les manifestants. Je suis resté, revenu, malgré les quolibets, parce que notre place est là. A ceux qui s’effrayaient de cet accueil, je citais René Char «Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront».
Cinq ans plus tard, au cours des cinq derniers mois, la social-démocratie était dans la rue pour combattre la réforme des retraites aux côtés de l’intersyndicale. A sa place. Elle était dans le combat face à un président qui accumule les coups de boutoir contre ce que la gauche politique et syndicale a conquis depuis des décennies. Les socialistes ont accumulé les meetings dans toute la France aux côtés de leurs partenaires de gauche et écologistes. Cette campagne n’a pas permis la victoire espérée, mais ensemble nous avons semé pour la suite.
Le socialisme comme sa variante social-démocrate, est né de la protestation contre l’ordre social existant. La social-démocratie se donnait comme mission historique de mener une action réformiste pour améliorer la condition ouvrière, comme le souligne Fabien Escalona dans l’ouvrage collectif « Histoire globale des socialismes ». Elle doit à nouveau évoluer face à l’épuisement de l’ordre néo-libéral couplé à l’urgence climatique. Pas pour devenir la énième variante du macronisme, une nuance de rose sur des costumes gris anthracite.
Je ne trouve plus belle conclusion que la reprise des mots du poète “Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience.”