Courrier réponse : taxation de l’assurance-vie
Madame, Monsieur
Vous m’avez interpellé sur l’harmonisation de la fiscalité des revenus de placement. Je vous en remercie.
Dans le cadre du projet de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2014 a été votée une mesure qui prévoit que l’intégralité des gains constitués par des placements depuis 1997 sera désormais taxée au taux actuel de prélèvements sociaux de 15,5% et non plus aux taux historiques, qui pouvaient varier. Cette mesure est inspirée par les principes d’équité et de simplification. Ce n’est ni une nouvelle taxe, ni une hausse des taux existants mais un alignement sur le taux de prélèvements sociaux de droit commun.
Vous pointez le caractère rétroactif d’une telle mesure. Or, dans le passé, des gouvernements de droite comme de gauche ont déjà pris des dispositions fiscales comparables. Lorsqu’il a été saisi, comme en 2006, le Conseil constitutionnel les a validées. Nous respectons aujourd’hui sa jurisprudence. Comme en atteste le passage de cette mesure devant le Conseil d’Etat, il n’y a pas de rétroactivité dans le cas présent puisque la mesure s’applique uniquement au moment où les gains sont perçus.
Lors de l’examen au Sénat du PLFSS, le gouvernement a fait adopter un amendement pour sortir les PEL, les PEA et l’épargne salariale de la mesure, ceci afin d’épargner les patrimoines moyens et modestes.
Seule l’assurance-vie demeurera donc concernée, sachant que la plupart des petits contrats sont en euros et donc exclus de la mesure. Par ailleurs, une réforme globale, pour un dispositif modernisé et stabilisé de l’assurance-vie, est actuellement en débat dans le cadre du projet de loi de finances rectificative.
En effet, l’assurance-vie représente 40% de l’épargne financière des français, et constitue donc leur premier support de placement financier (elle est liquide, sécurisée, et avantageuse fiscalement). Malgré l’importance de son encours (1400 Mds€ fin 2012), l’assurance-vie ne participe pas assez au financement des entreprises :
– Les ménages privilégient les supports en euros peu risqués garantis à tout moment (85%), notamment en raison de l’absence de fiscalité différenciée selon le support et la prise de risque.
– Conséquemment, les assureurs orientent l’essentiel de leurs actifs vers des titres de créance (75%), alors que les placements en actions cotées représentent moins de 15% de leurs actifs.
De plus, la concentration des encours de contrats est très forte (90% des contrats ont un encours inférieur à 50 000€ / 1% des contrats regroupe ¼ des encours en valeur).
La mesure envisagée poursuit un double objectif : d’une part réorienter les encours de l’assurance-vie vers le financement des entreprises en encourageant les épargnants à souscrire à des contrats plus risqués et en permettant aux assureurs plus de souplesse dans leur gestion d’actif ; d’autre part cibler le secteur du logement social ou intermédiaire, les PME/ETI et l’économie solidaire.
La réforme s’articule en trois volets :
– Création d’un contrat mono-support « euro-croissance » libellé en unités de compte :
- Il s’agit d’un support intermédiaire : les sommes qui y sont investies ne seront garanties qu’au bout de 8 ans (garantie à tout moment pour les fonds en euros de faible rendement souvent investis en obligations / aucune garantie pour les fonds en unités de compte investis notamment en actions). Ce délai de 8 ans devrait permettre aux assureurs d’investir dans des actifs plus risqués, susceptible d’avoir un rendement plus important.
- Pour encourager le recours à ce produit (outre son rendement plus important), il bénéficiera à l’ouverture du maintien de l’antériorité fiscale pour les fonds provenant d’autres contrats d’assurance-vie.
– Création de nouveaux contrats libellés en unités de compte :
- Il s’agit de contrats investis au moins à 33% dans le secteur du logement social ou intermédiaire, les PME/ETI ou l’économie sociale et solidaire.
- Il sera possible de transformer des contrats existants vers ce type de contrats plus vertueux sans perdre le bénéfice de l’antériorité fiscale.
- Ils bénéficieront d’un abattement supplémentaire de 20% pour le calcul des droits de succession en cas de décès.
– Durcissement conditionné de la fiscalité sur les gros contrats :
- Hausse du taux du barème applicable aux successions pour la tranche supérieure à 1M€ par bénéficiaire, qui passe de 25% à 31,25%. L’abattement de 20% sur les nouveaux contrats permet d’annuler ce durcissement pour les gros contrats dès lors qu’une partie des titres qu’ils recouvrent sont réorientés vers les PME/PMI, le logement ou l’Economie Sociale et Solidaire.
La réforme n’a pas vocation à modifier la structure de l’épargne en France, et ne remet pas en cause la stabilité fiscale garante de la confiance des épargnants. La fiscalité sera alourdie uniquement sur les transmissions de gros contrats d’assurance-vie non-réorientés vers des produits plus vertueux.
Si ces dispositions sont adoptées, elles seront applicables à compter du 1er janvier 2014, le bénéfice de l’antériorité en cas de transformation d’un contrat existant vers un contrat plus vertueux serait maintenu jusqu’en 2016.
Je vous prie de croire, Madame, Monsieur, en l’assurance de me sentiments les meilleurs.