Le temps du Parlement contre le temps du Président

Le temps du Parlement contre le temps du Président

tumulte-an

Depuis mardi dernier, matins, après-midis, soirs et nuits, le combat fait rage dans l’hémicycle (1). Plus une minute de libre pour écrire sur ce blog.
Le sujet est parfaitement ésotérique. Il pourrait paraître déplacé de consacrer autant d’énergie à un projet de loi organique aussi éloigné des préoccupations des Français. Le droit d’amendement n’est pourtant pas un sujet technique, mais une garantie démocratique.

Concrètement, le Président de la République, irrité par les débats sur l’audiovisuel public puis sur le travail du dimanche, a décidé d’en finir avec l’opposition parlementaire. Sous couvert de bon sens (moderniser le Parlement), le projet de loi organique instaure un « crédit temps » sur chaque projet : C’est la majorité qui décidera du temps de l’opposition. Une fois ce temps épuisé, les amendements ne pourront plus être défendus.

L’obstruction est en réalité un fait rare : depuis 30 ans seuls 7 textes ont dépassé 100 heures de débat. Et ce fût à 4 reprises du fait de la droite… Qui peut s’indigner réellement que l’Assemblée Nationale consacre 79 petites heures à l’indépendance de l’audiovisuel public?
La vraie lenteur c’est celle du pouvoir réglementaire qui met des mois, voire des années à rédiger les décrets d’application. Un rapport du Sénat fin novembre fait apparaître que depuis 18 mois, le taux de mise en œuvre des textes votés n’est que de 24%…

Si le Président veut comprimer le temps parlementaire, c’est parce qu’il contrarie la communication présidentielle.
Avec Nicolas Sarkozy, la règle est simple : A chaque jour, son image. A chaque fait divers, sa loi. Dans ce tourbillon médiatique, chaque image doit tout à la fois marquer les esprits pour donner l’illusion de l’action et chasser la précédente pour limiter tout suivi et toute contestation.

Chaque semaine depuis son élection, Nicolas Sarkozy s’efforce d’imposer l’agenda politique : avoir le choix du thème, pour conserver la main. Le président de la République aime les annonces, mais il n’aime pas que l’on fouille derrière ses mots. Comme tous les illusionnistes, il a ses trucs. Pour les préserver, il veut maintenir la distance avec le public. C’est pourquoi il faut sans cesse aller vite, ne jamais s’arrêter, fixer l’attention sur le tour suivant.

Chacun comprendra dans ces conditions que le temps des députés qui est celui de l’analyse, de l’évaluation, de la contre-expertise continue d’être un caillou dans la chaussure du Président qui voudrait que, une fois le journal de 20H et ses annonces passés, on éteigne le Parlement.

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(1) Sur la photo prise vendredi soir dernier, les députés PS decendent au pied de la tribune pour interpeller le président de séance UMP Marc Laffineur qui refuse de respecter  le réglement de l’Assemblée, afin d’accélérer les débats.