De quoi Donald Trump est-il le nom?
Les Américains ont voté. Leur 45ème président s’appellera Donald Trump. Les océans ne vont pas déborder, la terre ne va pas trembler, la grêle ne s’abattra pas sur les Etats-Unis d’Amérique. Mais cette élection que les sondeurs n’avaient pas anticipée nous interroge.
Qu’est-ce qui peut conduire un peuple à se choisir comme président un milliardaire qui se présente comme candidat anti-système? Qu’est-ce qui peut amener des femmes à voter pour un candidat aussi ouvertement sexiste que grossier? Qu’est-ce qui peut expliquer que le pays qui a élu Barack Obama lui choisisse un successeur aux accents xénophobes? Comment la plus grande démocratie du monde a-t-elle pu basculer dans le simplisme et la démagogie?
L’Amérique oubliée se venge curieusement de ses élites en désignant un affairiste, héro de la téléréalité. Surtout elle envoie à la maison blanche un candidat qui s’est engagé à détruire les outils de la protection sociale mis en place au cours de la mandature précédente (Obama care). Elle vote contre les démocrates qui ont renoué avec la croissance, et ont quasiment rétabli le plein emploi. Cette Amérique des déclassés adopte un projet fiscal qui consiste à financer par les déficits (que l’on finit toujours par payer) une baisse massive des impôts pour les tranches les plus élevées de l’impôt sur le revenu…
Les Américains souffrent d’une situation née des choix faits par les Républicains de G. Bush, (intervention en Irak, crise des subprimes) et choisissent de renvoyer les démocrates qui ont redressé le pays.
Si malgré ces paradoxes, Donald Trump a malgré tout emporté cette élection, c’est que certains déterminants de l’élection étaient plus puissants.
La volonté d’en découdre avec « le système » tout d’abord : Hillary Clinton, femme de Bill, président à deux reprises, elle-même ancienne secrétaire d’Etat incarnait une dynastie élective et l' »entre soi » d’une classe politique réputée coupée du peuple. Elle portait à son corps défendant, une forme d’immobilisme quand son adversaire portait la promesse de voir bouger les lignes.
La peur existentielle, ensuite : les mouvements migratoires, leur assimilation au terrorisme ou à la délinquance, provoquent partout à travers le monde les mêmes mouvements de repli.
La fragmentation de la population enfin : à la fracture entre communautés qui se jouxtent sans vraiment cohabiter s’est ajoutée la faille profonde entre les bénéficiaires de la mondialisation dans les grandes villes et l’Amérique profonde, plus rurale, péri-urbaine qui souffre.
Donald Trump s’est contenté de surfer sur ces vagues. Mais que vont découvrir ses électeurs? Que l' »establisment » n’a jamais été aussi bien représenté à Washington. Que la volonté affichée de ne pas respecter les engagements de la COP 21 conduirait à de des mouvements migratoires d’une ampleur inédite, liés à la désertification d’immenses territoires. Que loin de réduire les inégalités, le programme libéral de Trump conduira à leur exacerbation.
Peut-on extrapoler et tirer des leçons pour la France de ce qui vient de se produire outre Atlantique? La France est la France, et les analogies rapides sont souvent grossières. Il y a cependant un constat qui n’est pas limité aux Etats-Unis. Le monde occidental est traversé par une montée des populistes et de l’extrême-droite, en Autriche, en Allemagne, en Hongrie, en Angleterre, en Italie… comme dans notre pays. Ces mouvements se nourrissent des angoisses sans proposer de solutions viables. Les Britanniques ont choisi le Brexit et ce sont les leaders du NON qui se sont enfuis (Nigel Farage et Boris Johnson), embarrassés par leur propre victoire.
Et c’est là que réside notre responsabilité.
Répondre concrètement aux peurs ou à la colère, sans pour autant céder au simplisme ou à la démagogie.
Ne pas nous diviser pour ne pas ouvrir un boulevard aux vendeurs d’illusions.
Avec l’élection américaine, preuve est faite que rien n’est jamais écrit à l’avance. Le pire non plus n’est jamais sûr. Cela dépend de nous.
Olivier Faure