Et nos amours…
Sean n’est pas un auteur comme les autres puisque c’est mon petit frère. Frère de lait, généalogiquement cousin germain. Nous avons été élevés ensemble lorsqu’il est arrivé de Saïgon en 1972. Vietnamien comme moi par sa mère, son père est britannique. Sans parent francophone, sa passion pour la langue française qu’il a découverte à son arrivée à quatre ans, ne s’est jamais démentie. Depuis longtemps son goût pour les mots, la syntaxe, les phrases ciselées a trouvé à s’exercer dans la critique littéraire (notamment à Libération). Souvent j’ai pensé qu’elles étaient mieux écrites que les livres auxquelles elles se rapportaient. Autant dire que ce premier roman, il y a longtemps que je l’attendais…
Ce sont aux vers d’Apollinaire que Sean a emprunté son titre :
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure (…/…)
Dans ce livre, difficile de dire dans quel ordre viennent la joie et la peine. Pas vraiment de repères chronologiques. Juste un tourbillon. Dans l’ordre aléatoire de la mémoire du narrateur les vies de Pierre, Martin, Hannah, Hélène s’enchevêtrent au rythme de leurs corps. « Et nos amours », c’est l’histoire de vieux adolescents qui aborderont bientôt les rives de la quarantaine, qui doutent de la possibilité de donner un sens à l’existence et s’épuisent à la recherche de l’amour, celui d’avant, celui d’après, celui qui fuit toujours.
« C’est elle qu’il porte mais c’est lui qui plane, elle lui a pardonné son retard comme elle lui pardonne tous ses défauts. Martin s’en tire bien. Ils font l’amour un peu, souvent, passionnément comme un jour ils ne feront plus l’amour, comme un jour ils se quitteront. Un jour, pas ce jour. »
Passions fragiles, destins précaires, illusions à la dérive, « Et nos amours » dessine le portrait intimiste d’une génération flottante pour qui la crise est un état permanent, presque un élément d’identité.
J’aimerais vraiment vous avoir donné envie de le lire.