Un parfum d’indécence
Brutalement le masque a lâché. Pendant deux ans, il avait fallu comprimer, contenir, entretenir une image. Et puis la digue a été emportée.
Il y a eu les « plaisanteries » douteuses de Brice Hortefeux sur le « profil type » de l’auvergnat. Certes, il n’y avait pas eu « mort d’homme », mais ce fût la révélation d’un racisme ordinaire et franchouillard, celui qui nourrit les discriminations et les brimades quotidiennes de tant de nos concitoyens issus de l’immigration.
Il y a eu ce procès Clearstream, concours de manipulations et de coups tordus entre deux fauves qui n’ont d’autre rêve que de se battre au dernier sang. Ce fût la révélation d’un président, garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire, trop obnubilé par sa haine pour s’imposer une distinction entre prévenus et coupables.
Il y a eu ces hallucinantes déclarations de Frédéric Mitterrand sur « l’Amérique qu’on aime » et celle « qu’on aime pas », c’est-à-dire celle qui ose poursuivre Roman Polanski pour viol sur mineure de 13 ans. Ce fût la révélation d’un état d’esprit, celui de « demi-dieux » qui croient pouvoir épargner à leurs amis la justice des hommes.
Il y a eu ces Unes de la presse répétées sur Eric Besson qui a fait de la transgression et de la trahison sa marque personnelle. Ce fût grâce à son ex femme la révélation de la psychologie fragile et torturée d’un ministre d’ouverture.
Il y a eu cette « jungle » que l’on vide à Calais et ces avions qu’on remplit pour l’Afghanistan, renvoyant vers la guerre, le fanatisme, la violence et peut-être la mort des familles qui avaient fui leur pays. Ce fût la révélation de la force brutale d’un gouvernement qui tourne le dos à la vocation de la France, terre d’asile et protectrice des droits de l’Homme.
Il y a eu ce discret cadeau de la libéralisation des jeux en lignes au mépris des risques d’addiction, de corruption et de blanchiment de l’argent sale. Ce fût la révélation de l’actualité d’un pacte non écrit mais jamais dénoncé, qui lie celles et ceux qui la nuit de la victoire du 6 mai 2007, furent les invités du nouveau président au Fouquet’s.
Il y a eu cette commission des Finances au cours de laquelle le directeur de cabinet du président avoua que l’Elysée verse 43500 euros mensuels à Pierre Giacometti pour des conseils sur l’opinion. Ce fût la révélation du prix qu’accorde le président non aux Français, mais à ceux qui font profession de les endormir.
Il y a eu ce scandaleux jeu de chaises musicales pour permettre au fils du président de devenir à 23 ans président du modeste établissement public qui a la gestion du plus grand quartier d’affaires d’Europe. Ce fût la révélation d’une présidence qui se rêve en monarchie héréditaire.
Il y a eu ce redécoupage des circonscriptions législatives pour compliquer l’alternance puisqu’il faudra désormais que la gauche fasse 51,4% pour être majoritaire en sièges à l’assemblée quand il n’en faudra que 48,6 à la droite pour diriger le pays. Ce fût la révélation d’un pouvoir qui ose tout, jusqu’à fausser les règles de la démocratie.
Il y a surtout eu cette averse de taxes sur les ménages, les malades et les accidentés du travail tandis que le parapluie fiscal continuait de protéger ceux qui vivent déjà à l’abri de leur fortune. Cette fois ce ne fût pas une révélation, mais la confirmation d’une politique.
Cela s’est passé entre le 15 septembre et le 15 octobre. Cela s’est passé en France. Il flottait comme un parfum d’indécence.